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se soient donné la peine de placer en ordre toutes ces pierres seulement pour marcher dessus !

Les habitans des îles Shetland sont-ils donc en dehors de toute civilisation ? non sans doute, et comme ils ne sont pas Écossais pour rien, s’ils n’ont pas de routes, ils ont leur journal, the Shetland journal, et ils envoient un député au parlement. Quelques lairds qui ont voyagé, ont bien tenté d’ouvrir des chemins qui devaient joindre entre elles leurs propriétés ; mais rarement leurs efforts ont-ils obtenu quelque succès. Les herbages ont bientôt envahi de nouveau ces routes, ou bien elles se transforment en d’impraticables fondrières où bêtes et gens enfoncent jusqu’aux épaules, et quelquefois même disparaissent ensevelis dans un limon noir, composé de glaise et de tourbe détrempée. Le manque d’arbres et cette absence complète de routes rendent on ne peut plus difficiles les communications d’un point à un autre. Les habitans peuvent seuls s’orienter dans ces plaines et ces marécages coupés de lacs salés (voes) et de cours d’eau où l’étranger qui voudrait se passer de guide, courrait grand risque de s’égarer. La manière de voyager dans les Shetland est, du reste, des plus simples. Comme il n’y a pas de routes, on ne peut se servir de voitures, c’est une commodité et en même temps un embarras de moins. Il suffit, pour faire les plus longs trajets, de se munir d’une bride et d’une selle ; quelquefois même, quand on est bon écuyer et qu’on a peu de chemin à faire, on n’a besoin que d’une bride. Des chevaux errent toujours en grand nombre autour de chaque endroit habité, cherchant quelques friandises, comme un brin d’orge ou un peu de paille d’avoine oubliée. On saisit à la crinière un de ces chevaux, qui sont fort petits et velus comme des ours ; on passe la bride à son cou, on jette la selle sur son dos, on l’enfourche bravement et on part au galop. Ces chevaux ou shelties (c’est ainsi qu’on nomme les poneys shetlandais), quoique petits, sont pleins d’ardeur et fournissent d’assez longs trajets. On a, d’ailleurs, la facilité de changer de monture quand l’animal est rétif ou fatigué. Si l’animal est rétif, et qu’il vous jette à terre, vous êtes assuré de ne jamais tomber de plus de trois pieds de haut. Ce n’est guère plus dangereux qu’une chute d’âne, et les jolies écuyères qui débutent à Montmorency nous prouvent parfois que les chutes sont plus divertissantes que dangereuses ; ajoutons que dans les îles Shetland on tombe presque toujours sur la mousse ou sur le gazon : raison de plus pour ne pas se briser les os. Mais le plus grand inconvénient de ces chutes, c’est la difficulté de rattraper sa selle et sa bride, que le sheltie emporte