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loppement que ce radicalisme évangélique que nous avons analysé. C’était inévitable, mais ce n’est plus assez. Quand M. de La Mennais a complètement abandonné le catholicisme, quand il a accablé de ses mépris la réforme protestante, il a pris l’engagement envers son siècle de commencer et d’inaugurer un nouvel ordre de vérités religieuses. Il ne parle plus au nom de l’église catholique, dont il s’est séparé, lorsqu’il salue dans le christianisme la loi première et dernière de l’humanité ; il doit donc déclarer au nom de quelles convictions il écrit aujourd’hui : autrement, pourquoi imposerait-il au peuple des croyances dont il se réserverait le secret et la raison ?

La foi et la science, voilà désormais, ce nous emble, les deux objets auquel doit s’appliquer le beau génie de M. de La Mennais. Puisqu’il a brisé de ses propres mains le système qu’il avait édifié dans l’Essai sur l’indifférence, il a nécessairement dans l’esprit une autre méthode pour arriver à la vérité. Le néo-christianisme ne peut sortir que d’une nouvelle tentative pour concilier la science et la foi ; et l’on ne saurait fermer les yeux à l’immense travail qui s’accomplit de toutes parts pour agrandir l’une et changer les conditions de l’autre. En Allemagne, les sources historiques de la religion chrétienne sont l’objet de la critique la plus profonde ; on y examine avec indépendance et respect les titres de la révélation positive ; les travaux ingénieux et savans de Strauss soulèvent des discussions et des polémiques qui profiteront à l’émancipation progressive de l’esprit humain. Ces mouvemens, que M. de La Mennais ne saurait ignorer, doivent lui inspirer une émulation nouvelle ; puisque le vieil homme a disparu, il faut que l’homme nouveau jette les fondemens d’une école et d’une doctrine.

Y a-t-il à côté du catholicisme et du protestantisme une place dans l’avenir pour un néo-christianisme ? Voilà, certes, une des plus graves questions qui puisse être posée. Strauss et M. de La Mennais sont la double conséquence, tant de l’esprit critique de la réforme que des instincts sociaux du catholicisme. Sont-ils les précurseurs d’un ordre nouveau ? Doivent-ils inaugurer une nouvelle théologie, une nouvelle philosophie, une nouvelle politique pour le christianisme ? Les faits de l’avenir peuvent seuls répondre ; il serait puéril de vouloir prophétiser en détail les formes et les accidens par lesquels doit passer l’humanité.

Dans toutes ses situations et sur toutes ses faces, le christianisme est aujourd’hui l’objet de l’attention respectueuse du monde ; il n’a point à se plaindre. Au sein même des deux orthodoxies protestante