Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
LA DERNIÈRE ALDINI.

Lila qui pleurait aussi, elle cacha, en sanglotant, sa tête dans le sein de sa fidèle soubrette.

— Au nom du ciel ! qu’avez-vous à pleurer d’une manière si déchirante, ma chère signora ? m’écriai-je, en me laissant glisser presqu’à ses genoux. Si vous ne voulez pas me voir partir désespéré, dites-moi si cette malheureuse aventure est la cause de vos larmes, et si je puis détourner de vous les malheurs que vous redoutez ?

Elle releva sa tête penchée sur l’épaule de Lila, et me regardant avec une sorte d’indignation :

— Vous me croyez donc bien lâche ? me dit-elle.

— Je ne crois rien, répondis-je, rien que ce que vous me direz. Mais vous vous détournez de moi et vous pleurez ; comment puis-je savoir ce qui se passe dans votre ame ? Ah ! si je vous ai offensée ou si je vous ai déplu, si je suis la cause involontaire de votre chagrin, comment pourrai-je jamais me le pardonner ?

— Ah ! vous croyez que j’ai peur ? répéta-t-elle avec une sorte d’amertume tendre. Vous me voyez pleurer, et vous dites : C’est une petite fille qui craint d’être grondée ?

Elle se remit à pleurer à chaudes larmes en cachant son visage dans son mouchoir. Je m’efforçais de la consoler, je la suppliais de me répondre, de me regarder, de s’expliquer ; et dans cet instant de trouble et d’attendrissement, je fus entraîné par un mouvement si paternel et si amical, que le hasard amena sur mes lèvres, au milieu des doux noms que je lui donnais, le nom d’un enfant qui m’avait été bien cher. Ce nom, j’avais gardé depuis longues années l’habitude de le donner involontairement à tous les beaux enfans que j’avais l’occasion de caresser. — Ma chère signorina, lui dis-je, ma bonne Alezia… Je m’arrêtai, craignant de l’avoir encore offensée en lui donnant par mégarde un nom qui n’était pas le sien. Mais elle n’en parut pas offensée, elle me regarda avec un peu de surprise et me laissa prendre sa main, que je couvris de baisers.

Cependant la voiture avançait rapide comme le vent, et avant que j’eusse pu obtenir l’explication que je demandais ardemment, Lila nous avertit qu’elle apercevait la villa Grimani, et qu’il fallait absolument nous séparer. — Eh quoi ! vais-je vous quitter ainsi ? m’écriai-je, et combien de temps vais-je me consumer dans cette affreuse inquiétude ?

— Eh bien ! me dit-elle, venez ce soir dans le parc, le mur n’est pas bien haut. Je serai dans la petite allée qui longe le mur, auprès