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les lumières et les espérances de la constituante, le dédain et presque le mépris. L’assemblée législative a été traitée avec moins d’égards, avec une sévérité presque paternelle. La convention ne pouvait trouver grâce devant la sagesse clairvoyante de M. Guizot ; aussi est-ce sans étonnement que nous avons vu l’orateur confondre dans la même colère et dans la même flétrissure l’énergie sincère et la fureur hypocrite, et transformer la défense héroïque du territoire en égarement et en folie. Pour ceux qui connaissent le caractère et la pensée de M. Guizot, il n’y a là rien de surprenant. Dans son amour égoïste pour les idées qu’il professe, il est naturellement injuste. Comme il ne lui est pas possible d’encadrer dans ses théories politiques la conduite active de la convention, il est amené à déclarer fou ce qu’il n’aurait pas fait, à traiter avec un dédain superbe les colères qu’il ne partage pas, l’entraînement qu’il eût combattu, qu’il n’eût pas compris ; il condamne, au nom d’une logique toute personnelle, les évènemens accomplis hors du cercle de ces idées. Tout cela s’explique de soi-même et n’a pas besoin de réfutation.

Le directoire, le consulat, l’empire et la restauration, occupent, dans le discours de M. Guizot, une place moins importante que les trois premières périodes de la révolution française. Les jugemens portés par l’orateur sur tous ces momens de notre histoire n’ont rien d’original ni de nouveau, et sont exprimés en termes si vagues, qu’il est vraiment difficile de savoir si l’académicien approuve ou condamne l’homme d’état, si les théories politiques de M. Guizot s’accordent ou ne s’accordent pas avec ses périodes oratoires. Les débauches de la nouvelle régence, l’ambition et l’aveuglement du nouveau César, l’entêtement et l’ignorance des Bourbons, qui ne voulaient pas se souvenir des Stuarts, sont entrés depuis long-temps dans le domaine de la rhétorique inoffensive, et ne peuvent ni blesser ni réjouir les partis.

Au milieu de ces déclamations insignifiantes, comment découvrir l’opinion philosophique de M. Guizot sur M. de Tracy ? Comment déduire de cette colère oratoire contre la révolution française la pensée du récipiendaire sur les travaux de son prédécesseur ? Est-il même raisonnable de chercher cette pensée ? Est-il probable que M. Guizot ait songé un seul instant à se former une idée précise de ces travaux ? Pour notre part, nous ne le croyons