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ACADÉMIE FRANÇAISE.

ses fonctions, occupe le rang de M. Guizot, un homme qui se vante de diriger non-seulement les affaires, mais l’intelligence du pays, se devait à lui-même d’expliquer nettement les relations de la science et de la volonté française au xviiie siècle. Car, il faut bien l’avouer, et la chose est toute naturelle, la plupart des salons qui avaient accepté l’apostolat philosophique prenaient peu de souci des origines même de la science, et voyaient dans l’égalité des conditions une question beaucoup plus importante que les lois de l’intelligence humaine. Les salons appliquaient mais ne continuaient pas la philosophie ; ils obéissaient aux philosophes, mais ils n’étaient pas la philosophie elle-même. Or, il nous semble que pour montrer clairement les liens qui unissaient les salons à la science, il eût été raisonnable de définir nettement le caractère de la science philosophique à la fin du dernier siècle ; étant donné deux termes dont l’un commande au second, la pensée prise en soi et la société vivante, il y a au moins de la puérilité à parler de l’obéissance du second terme sans avoir décomposé, c’est-à-dire expliqué, le premier. C’est pourtant ce qu’a fait M. Guizot : il a rhabillé pour l’usage de l’Académie toutes les phrases qui traînent sur les bancs des écoles, et qui semblaient depuis long-temps hors de service ; il a répété, sur l’imprévoyance et l’étourderie de nos pères, toutes les récriminations que chacun sait par cœur, et qui, dans la bouche du récipiendaire, n’avaient pas même le mérite de l’élégance ; car M. Guizot, en abandonnant le terrain de la pensée pour celui de la parole, n’avait pas prévu les dangers qui l’attendaient. Plus d’une fois, dans son discours, il lui est arrivé de broncher devant une épithète, et de chanceler devant un synonyme. Résolu à dire le moins possible, il n’a pas toujours dit ce qu’il voulait, ou du moins ce qu’il aurait dû dire dans les limites oratoires de son sujet.

Arrivé à la révolution française, il a semblé reprendre haleine et respirer plus librement. Débarrassé de la science, dont il avait parlé avec une brièveté presque énigmatique, il est rentré sur un sol qui lui est familier, sur le sol de la déclamation politique. Il a fait sonner bien haut son admiration pour l’assemblée constituante ; mais son admiration se démentait elle-même par son emphase, et n’avait guère plus de valeur que les formules dévouées d’une lettre. Il était facile d’entrevoir, sous ce respect officiel pour