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REVUE. — CHRONIQUE.

quand il se plaint de voir le complot impuni, tandis que le vol d’un mouchoir, la tentative d’incendie d’une meule de foin, ou tout autre délit, sont si rapidement punis ou réprimés ?

Mais on a vu, et non peut-être sans raison, dans ces lois toute la préface d’un système, un pont pour arriver à la terre promise que nous montrent de loin les sentinelles perdues de la doctrine. Peut-être tout autre ministère, celui de M. Thiers, par exemple, qu’on ne pouvait suspecter, eût-il fait passer ces lois, ou quelques lois de cette nature ; car de quoi s’agissait-il ? de ce que veut tout le monde, de la sûreté du roi, c’est-à-dire du repos du pays. Mais sur le rempart que la prudence ministérielle élevait autour du prince, et auquel travaillaient presque d’accord M. Molé et M. Guizot, on voyait la presse avancée, la jeune presse ministérielle, comme elle se nomme, se hâter de braquer des canons, et montrer déjà dans ses mains la mitraille dont elle comptait bien les charger pour la confusion des factieux, c’est-à-dire de tous ceux dont le zèle monarchique n’est pas aussi pétulant que le sien. La chambre a refusé la loi. On ne peut blâmer la chambre.

Maintenant la discussion va s’ouvrir sur les fonds secrets. La chambre les accordera sans doute. C’est, nous dit-on, un moyen d’étendre la police, un moyen non politique de préserver le roi. Le ministre des affaires étrangères demande aussi un supplément de fonds secrets, car ce n’est pas seulement en France que doit s’exercer la surveillance du gouvernement. Les dépêches reçues récemment de Bruxelles et de Darmstadt prouvent que les machines infernales et les pensées d’assassinat s’expédient à présent du dehors au dedans, et que cette maladie contagieuse se dispose à faire le tour de l’Europe, comme la grippe et le choléra.

Il paraît que la connaissance qu’il a des dispositions de la chambre au sujet de la loi des fonds secrets, n’a pas peu déterminé M. Molé à insister sur la prochaine discussion de la loi de non-révélation. Le ministère a hâte de savoir ce que lui garde la chambre sous les votes de cette complaisante et immense majorité, dont il se sent un peu embarrassé. Cette tactique de l’opposition est vraiment remarquable et non moins nouvelle que l’est toute la marche des affaires depuis peu de jours. Un journal qui voit tout en noir, et qui semble vouloir élever le trône sur les décombres de ce régime, y voit l’abus et la ruine du gouvernement représentatif. Ceci est l’abus de la critique et du droit de vitupération. Avec un peu plus de calme et d’impartialité, on reconnaîtrait, au contraire, dans la méthode actuelle de l’opposition, une habileté qui n’est pas blâmable, et même quelque chose de mieux.

Si on recherchait tous les abus du gouvernement représentatif, si on fouillait dans cette chambre de fonctionnaires et jusque dans les rangs de ces députés indépendans, qui n’envient les fonctions de personne, mais qui ont des parens et des amis pourvus, de leur fait, de toutes sortes d’emplois ; si on allait par-delà encore, on s’assurerait sans doute et sans peine que le gouvernement représentatif n’est mu par des anges, ni d’une part, ni de l’autre, et que ce sont des hommes faillibles, préoccupés d’intérêts personnels, et animés de passions souvent peu nobles,