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REVUE DES DEUX MONDES.

Non, pauvres gens, honnêtes gobe-mouches, d’opinion vous n’avez point changé, car d’opinion vous n’en eûtes jamais, mais voulez parfois en avoir. Ayez donc du moins celle-ci qui est plus vieille que l’imprimerie, c’est que, quand on se laisse berner, on ne doit jamais s’étonner si on retombe à terre pile ou face.

Mais songez-vous quelquefois, monsieur, à la position d’un pauvre ministre ayant affaire aux journaux ? je dis pauvre, non pour aller dîner ; mais où ne vaudrait-il pas mieux être qu’en pareil lieu où tous vous tiraillent, qui du manteau, qui du haut-de-chausses ? Auquel entendre et par où tomber ? car encore choisit-on la place, quand on ne peut tenir sur ses jambes. Celui-là crie si on n’accorde pas, et celui-ci ne veut pas qu’on accorde. Trente mains s’allongent, agitant trente papiers, quinze placets et quinze menaces, et le tout pour le même emploi, dont pas un peut-être n’est digne ; mais qu’il y en ait un de nommé, les autres n’y regarderont pas pour s’en plaindre. Dites-moi un peu ce que vous feriez si (Dieu vous en préserve !) vous deveniez ministre par hasard ? Je veux vous choisir une occurrence où vous soyez bien à votre aise, pour que vous m’en donniez votre avis.

Il s’agit de demander au roi la grace de certains condamnés, qui, à dire vrai, depuis long-temps l’attendent. Depuis long-temps aussi vous hésitez ; vous avez pour cela vos raisons : d’autres que vous les trouvent bonnes ou mauvaises, il n’y a point de compte à rendre. Vous demandez, vous obtenez la grace ; le Moniteur enregistre et publie les noms de messieurs les graciés. Que fait là-dessus l’opposition ?

« C’était bien la peine, s’écrie-t-elle, de parodier une amnistie, et de ne délivrer que des hommes obscurs, qui ne figurent qu’au troisième plan ! ce n’est pas là ce qu’on vous demandait ; quand on fait le bien, on le fait grandement ; c’était d’autres noms qu’il nous fallait voir libres : les condamnés d’avril, les ministres de Charles X, et nos amis, bien entendu. »

Que faites-vous alors, vous, homme politique ? Vous allez croire que l’opposition désire ce qu’elle demande. Vous allez ajouter d’une main candide sur la liste graciante les noms des ministres de Charles X. Pensez-vous faire pièce à dame Opposition ? Lisez un peu l’article du lendemain.

« Voilà donc, s’écrie la même plume, voilà donc quelle était