Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/730

Cette page a été validée par deux contributeurs.
724
REVUE DES DEUX MONDES.
Bouillé qui me calomnie, ce n’est pas même pour vous, messieurs, qui m’honorez de votre confiance, c’est pour ceux que son assertion pourrait tromper, que je dois la relever ici. M. de Bouillé me dénonce comme ennemi de la forme du gouvernement que vous avez établie… Messieurs, je ne renouvelle point mon serment, mais je suis prêt à verser mon sang pour le maintenir. »

La nation voulait alors être monarchique, et la question était de savoir qui serait roi : donnerait-on la couronne au duc d’Orléans en récompense de la conduite de son parti depuis les premiers troubles révolutionnaires ? Appellerait-on un prince étranger ? Ferait-on détrôner le roi par son fils encore enfant ? L’idée de la déchéance du père et de la mère, en laissant le jeune prince, paraissait immorale, et c’était une mauvaise éducation à lui donner. Reprendrait-on Louis XVI, le meilleur prince de sa famille malgré ses torts récens, et, à tout prendre, le meilleur de l’Europe ? Ce dernier parti fut adopté par la presque unanimité de l’assemblée constituante, et après l’éloquent discours de Barnave à l’appui de l’avis des comités réunis, le 15 juillet, Lafayette marqua son assentiment par ces mots :

J’appuie l’opinion de M. Barnave, et je demande que la discussion soit fermée.

L’assemblée ferma la discussion ; le décret qui fut rendu par tous ses membres à l’exception de Robespierre, de Pétion, de trois ou quatre autres, déjoua beaucoup de calculs intérieurs ou étrangers.

On a dit que le roi avait eu des confidens de son départ dans son ministère et dans le côté droit de l’assemblée, ce qu’aucune révélation jusqu’à présent n’a fait connaître ; la malveillance ou l’esprit de parti ont aussi cherché à lui en supposer dans le côté gauche ; on a prétendu que MM. de Lameth, Duport et Barnave, qui, depuis quelque temps, avaient des rapports secrets avec la cour, étaient dans la confidence de cette évasion ; on en a accusé M. d’André, membre influent de l’assemblée ; mais aucune preuve, aucun aveu, ne sont venus corroborer ces vagues assertions. Celles qui ont inculpé à cet égard Bailly et Lafayette sont d’une absurdité encore plus évidente ; car ils étaient naturellement les deux hommes de France à qui la cour devait le moins confier un projet de ce genre dont l’objet était de la soustraire à leur influence et à leur garde, pour la mettre sous la protection