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MÉMOIRES DE LAFAYETTE.

fier à rien de ce qui serait dit ; on répondait à toutes mesures de relâchement dans les précautions : « Nous avons été tellement trompés, que nous pourrions bien l’être encore. » Les constitutionnels les plus attachés au roi, dans la garde nationale, n’étaient pas les moins irrités, parce qu’ils avaient passé deux années à soutenir, contre les jacobins, que le roi était de bonne foi. Ils étaient dans le cas d’un homme trompé par un ami.

Le détachement qui veillait à la sûreté de la famille royale, l’avait conduite, le 25 juin, jusqu’à la barrière. Dans la voiture du roi étaient Barnave et Pétion. On a dit que les gardes-du-corps étaient enchaînés sur cette voiture ; le fait est faux. M. de Latour-Maubourg, qui avait laissé ses deux collègues auprès du roi, proposa à la reine de prendre les gardes-du-corps dans sa voiture. — Répondez-vous de leur vie ? dit-elle. — Je réponds du moins que je serai tué avant eux. La reine décida néanmoins qu’ils resteraient sur le siége de sa propre voiture. On observa qu’on leur avait donné des habits ventre de biche, qui se trouvaient être la livrée de la maison de Condé. Pendant le retour de Varennes, au milieu des mouvemens qui eurent lieu autour de cette voiture, un royaliste qui s’en était approché, avait été malheureusement massacré.

La famille royale rentra dans Paris, sous la protection des commissaires de l’assemblée et sous l’escorte de l’adjudant-général Dumas que l’assemblée elle-même avait choisi pour l’exécution de ses ordres. Lafayette, qui avait lieu de craindre quelques embûches de la part des factieux, fit prévenir Dumas de ne point traverser la ville, plaça des troupes sur les boulevarts, et depuis la barrière de l’Étoile jusqu’aux Tuileries. La garde nationale bordait la haie ; le régiment des gardes suisses était aussi en bataille et ne fit aucune difficulté d’obéir au commandant-général ; une foule immense couvrait les deux côtés du chemin, sans cris, sans violences, regardant passer le cortége d’un air mécontent, mais dans un ordre parfait ; la garde nationale se reposant sur ses armes, avait la même attitude.

On a reproché à l’assemblée constituante, à la ville de Paris et surtout à Lafayette, de n’avoir rendu aucun des honneurs royaux à Louis XVI depuis son retour dans la capitale jusqu’à sa nouvelle acceptation du trône constitutionnel. Il n’y eut là que la con-