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Déjà on avait quelques notions sur la route du roi ; une voiture en poste, très grande, avait été vue dans la direction de Châlons ; l’aide-de-camp prit cette route.

L’intendant de la liste civile, M. de La Porte, vint à la barre présenter le manifeste que le roi lui avait laissé : — Comment l’avez-vous reçu, lui dit-on ? — Le roi l’avait laissé cacheté avec un billet pour moi, — Où est ce billet ? dit un membre. — Non ! non ! dit toute l’assemblée, c’est un billet confidentiel, nous n’avons pas le droit de le voir. — Ce noble mouvement mérite d’être cité.

Les ministres mandés se rendirent à la barre. Une garde avait été envoyée pour protéger M. de Montmorin, qui avait signé le passeport pour la baronne de Korf, et ce n’est pas un des moindres torts de l’évasion d’avoir mis dans un tel danger ce ministre fidèle, ami personnel du roi. Le sceau de l’état fut déposé sur le bureau du président ; l’assemblée le rendit au garde-des-sceaux, président du ministère, et lui ordonna, ainsi qu’à ses collègues, de continuer leurs fonctions sous les ordres de l’assemblée. Pendant ce temps, le peuple effaçait partout le nom et les armes du roi ; la garde nationale redoublait de zèle, et l’ordre était rétabli.

L’assemblée nationale, après avoir pris toutes ces mesures, eut encore un beau mouvement ; son président lui proposa de reprendre l’ordre du jour, et la discussion continua comme s’il ne s’était rien passé d’extraordinaire.

La proclamation du roi était pitoyable ; Louis XVI démentait tout ce qu’il avait dit, accepté, sanctionné, se reportant à sa déclaration du 23 juin 1789 ; il se plaignait, entre autres choses, d’être mal logé aux Tuileries ; ce manifeste était une complète abdication de la royauté constitutionnelle.

Le soir il y eut une réunion du club des jacobins ; il serait in-

    donnaient l’air de la vérité. Les deux députés de l’assemblée, Biauzat et Latour-Maubourg, jugèrent alors que Romeuf devait se rendre à Meaux en toute diligence. Cette circonstance changea la direction qu’il devait suivre, et le mit sur la route de Varennes. Arrivé à Châlons, il rencontra le commandant de bataillon Baillon, avec lequel il continua sa route jusqu’à Varennes, où ils arrivèrent à cinq heures et demie du matin. Le roi y était arrêté depuis la veille, à onze heures du soir. Louis Romeuf eut le bonheur de sauver la vie (au travers de beaucoup de risques personnels) à MM. de Damas, de Choiseul, Floirac et à un maréchal-des-logis du régiment de M. de Damas.

    (Note du général Lafayette.)