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mettait contre les complots d’évasion que des précautions nécessairement insuffisantes.

On a vu que ce ne furent pas les chefs de la révolution qui renvoyèrent les gardes-du-corps après le 6 octobre, mais les capitaines des gardes et leurs officiers qui voulurent prouver ainsi que le roi n’était pas libre, en même temps que leur ridicule vanité répugnait à rouler pour le service avec les bourgeois de Paris devenus commandans de divisions et de bataillons ; car on ne peut pas supposer que ce fut par un sentiment de crainte qui n’était plus fondée, qu’ils auraient exposé le roi à un péril sans vouloir le partager. Bailly rappelle dans ses Mémoires, que le roi ayant un jour exprimé à Lafayette quelques regrets de n’avoir pas ses gardes, la commune prit un arrêté pour le prier de les reprendre ; mais la cour décida qu’il ne fallait pas profiter de cette offre. Le service se faisait donc dans les appartemens par la garde nationale et les cent-suisses, dans les cours par la garde nationale et le régiment des gardes suisses.

Lafayette commandait les troupes au château, dans Paris et dans un rayon de quinze lieues. Le roi et les princesses sortaient à leur volonté en voiture, à cheval, faisaient des promenades, et, jusqu’à l’émeute du 18 avril, allaient à Saint-Cloud comme autrefois. Indépendamment d’un nombreux service, toutes les personnes qui voulaient faire leur cour au roi ou voir les habitans du château étaient admises.

D’un autre côté, les journaux démagogiques avaient tous les jours, depuis deux ans, tellement dénoncé la fuite immédiate du roi, les avertissemens imaginaires se succédaient si fréquemment, qu’on avait fini par ne plus y croire.

Louis XVI, pendant le peu de jours de la démission de Lafayette, avait fait écrire aux cours étrangères une lettre officielle que celui-ci n’aurait pas conseillée, parce qu’elle exprimait un assentiment trop absolu et par là peu naturel à tous les principes de la révolution[1]. On a su depuis que cette lettre circulaire avait été contredite par la correspondance particulière du roi, et qu’indépendamment des arrangemens pris avec le comte d’Artois, la véritable intrigue de son départ, celle qui avait été commencée par

  1. Lettre circulaire adressée aux ambassadeurs par M. de Montmorin, le 23 avril.