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contre un canon. « Le choc, dit Tyson, fut assez rude pour lui faire sauter une dent, et fracturer une portion de l’os maxillaire. Il en résulta une carie qui fit chaque jour des progrès et contribua sans doute beaucoup à hâter la mort du pauvre animal. Malgré son état de souffrance, il se montra constamment doux et affectueux envers les hommes de l’équipage. Ce n’était pas, au reste, qu’il aimât tout le monde également ; il avait une préférence marquée pour certaines personnes, et quand il les apercevait, il courait à elles, se jetait dans leur sein et les serrait tendrement dans ses bras. Il y avait quelques singes à bord, et l’on supposait que leur compagnie lui aurait été fort agréable ; il n’en fut rien. Il montra toujours pour eux une grande indifférence, si on ne veut pas appeler cela du mépris. Il fuyait leur compagnie, les regardant, à ce qu’il paraissait, comme des êtres d’une espèce fort inférieure à la sienne. » La même remarque a été faite par Clarke pour l’orang de Borneo, par Harwood pour le gibbon cendré, et par Bennet pour le gibbon syndactyle. Ainsi les plus nobles espèces de quadrumanes, celles qui par conséquent se rapprochent le plus de l’espèce humaine, semblent honteuses d’avouer, en présence de l’homme, toute relation de parenté avec le commun des singes, et font comme le mulet de Lafontaine :

Qui ne parlait incessamment
Que de sa mère la jument.

« La douceur du pygmée n’était point celle d’un mouton, c’est-à-dire le résultat d’une extrême indolence. Il était au contraire d’un naturel très vif, et, jeune encore, il avait, sinon les caprices, du moins l’impatience d’un enfant ; ainsi on le voyait trépigner de joie à l’approche d’un objet qu’il désirait ardemment, et frapper des pieds en signe de colère, si on le lui refusait. »

Tyson n’avait pu obtenir des gens qui avaient amené l’animal aucun renseignement antérieur à l’époque de son embarcation, ou relatif aux habitudes des individus de la même espèce dans l’état de liberté. « J’aurais aimé à savoir, dit-il, si, comme le pongo de Battel, le pygmée, dans l’état de nature, a une diète purement végétale ; j’inclinerais plutôt à croire que, comme l’homme, il est omnivore. Celui que j’ai vu mangeait de tout ce qu’on servait à ta-