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LES ORANGS.

poils. Sa face et ses oreilles sont nues, et ses mains le sont aussi ; son corps est couvert d’un poil assez peu serré et de couleur obscure. Il ne diffère guère de l’homme que par les jambes, qui n’ont point de mollets ; il marche toujours debout quand il est à terre, et alors il porte les mains croisées derrière la nuque.

« Ces animaux dorment sur les arbres, et s’y construisent un abri contre la pluie. Ils vivent des fruits qu’ils trouvent dans les forêts, et de noix, car ils ne mangent d’aucune espèce de chair ; ils ne peuvent pas parler et n’ont point de raison, pas plus qu’une bête.

« Lorsque les hommes de ce pays voyagent, ils allument un feu au lieu où ils passent la nuit. Le matin, après qu’ils sont partis, il n’est pas rare de voir arriver des pongos qui s’asseoient près du brasier, et y restent jusqu’à ce qu’il soit éteint, car ils n’ont pas l’esprit de l’entretenir en rapprochant les tisons. Ils vont par troupe, et ils tuent souvent des nègres qui voyagent dans les bois ; quelquefois aussi, lorsque des éléphans viennent pour paître dans le canton qu’ils occupent, ils les assaillent à coups de bâton et de morceaux de bois, et les obligent à faire une prompte retraite.

« On ne prend jamais de pongos vivans adultes, parce qu’ils sont si robustes, que, pour en terrasser un seul, dix hommes ne suffiraient pas. Cependant on parvient assez souvent à en prendre de jeunes au moyen de flèches empoisonnées. Le petit pongo est cramponné au ventre de sa mère qu’il embrasse étroitement. Lors donc que les gens du pays ont tué une femelle, ils prennent le nourrisson, qui ne se sépare de sa mère que lorsqu’on l’en arrache.

« Quand ces animaux sont en liberté et qu’un d’eux vient à mourir, les autres le couvrent de branches et de feuillages. Il n’est pas rare de trouver dans les forêts ces sortes de sépultures, qui forment un amas de bois assez considérable. »

Battel, dans une conversation avec Purchas, lui dit qu’un nègre, qui lui servait de domestique, avait été dans sa jeunesse enlevé par des pongos. Ces animaux l’avaient gardé un mois au milieu d’eux, sans lui faire aucun mal, grâce au soin qu’il avait eu de ne jamais les regarder au visage, chose que ces animaux, disait-il, ont en grande aversion.

Purchas ajoute qu’il a vu le nègre ; mais il ne dit point s’il l’a interrogé sur ce point.