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le singe gris vu par le P. Lecomte dans le détroit de Malacca[1], et à plus forte raison qu’il devînt de la taille d’un homme, comme ceux de Borneo (il y en a de tels, en effet dans cette île, comme me l’a assuré un capitaine de mes amis qui en avait vu un chez un prince du pays). Au reste, c’est l’observation, et non le raisonnement, qui nous apprendra si, à Angola et dans les pays environnans, ils deviennent aussi grands que dans l’archipel de l’Inde. Je ne serais pas étonné qu’on trouvât qu’ils diffèrent en ce point, puisque, dans l’espèce humaine elle-même, on voit la taille varier notablement, suivant les pays.

« L’animal avait beaucoup souffert pendant la traversée, et mourut peu de temps après être arrivé ; il était alors d’une maigreur affreuse, et son ventre, loin d’être proéminent comme celui du satyre de Bontius, paraissait collé à l’épine. Malgré cela, il n’était pas étroit de ceinture comme le sont tous les singes, et surtout quand on le regardait par derrière, on voyait qu’il était bien carré des reins.

« Le bras était proportionnellement beaucoup plus long que chez l’homme ; la main elle-même était fort alongée, le pouce petit et placé très près du poignet. Le pied, qui avait aussi un pouce opposable, avait, en somme, la même forme que celui des singes, c’est-à-dire, celle d’une main ; seulement le talon était un peu plus marqué.

« Puisqu’il est question de la forme de ces parties chez les singes, poursuit notre auteur, qu’il me soit permis de remarquer combien le terme quadrupède est impropre quand on l’applique à des animaux dont les jambes sont, aussi bien que les bras, terminés par de véritables mains. S’il faut un terme collectif pour les désigner, que ne crée-t-on le mot de quadrumane, qui aurait l’avantage de rappeler cette particularité. »

Ce mot, comme on le sait, est aujourd’hui généralement adopté, mais il ne l’a été que plus d’un demi-siècle après la mort de celui qui l’avait proposé.

Tyson remarque que l’existence d’un pouce opposable aux pieds

  1. Ce singe était, suivant toute apparence, un gibbon cendré ou un gibbon syndactyle ; ces deux espèces, quoique très communes dans ces parages, n’ont été bien connues que de nos jours. On trouvera plus loin le passage où le P. Lecomte parle de cet animal.