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LES ORANGS.

le dessin nous montre la jambe de l’animal terminée, non par un pied comme le nôtre, mais par une véritable main, par une main munie d’un pouce opposable, et qui semble bien plus faite pour empoigner les branches des arbres que pour appuyer sur le sol.

La figure nous montre encore plusieurs traits que l’auteur a oublié de signaler ; tels sont : la brièveté du cou, l’ampleur des oreilles plus écartées des tempes, et plus haut placées que chez l’homme ; la disposition des poils qui, couvrant le crâne d’une véritable chevelure, laissent le front découvert, et descendent sur les joues de manière à figurer des favoris ; enfin l’énorme distance qui sépare le nez de la bouche, et qui contraste singulièrement avec la brièveté du menton. Ce dernier trait semble même exagéré, mais cela tient en partie à la position inclinée de la tête.

Pendant que Tulpius faisait représenter à Amsterdam le satyre d’Angola, un autre médecin hollandais, Bontius, prenait, à Batavia, le même soin pour le satyre de Borneo. La figure qui se voit dans son Histoire médicale et naturelle de l’Inde est, à la vérité, la plus inexacte qu’on ait jamais donnée ; mais je crois être en mesure de prouver que cette planche n’est pas, comme on l’a supposé jusqu’ici, la reproduction du dessin original.

Le chapitre que Bontius a consacré à cet animal est très court. Après avoir rappelé ce que Pline avait dit des satyres de l’orient de l’Inde, animaux qui ressemblent beaucoup à l’homme, surtout lorsqu’on les voit courir debout, il ajoute que la ressemblance ne se borne pas seulement à la configuration extérieure. « Ce qui est encore bien plus fait pour exciter l’admiration, dit-il, c’est ce que j’ai observé moi-même chez plusieurs de ces satyres, de l’un et de l’autre sexe, particulièrement chez la femelle dont je donne ici la figure. Quand des inconnus la regardaient attentivement, elle paraissait toute confuse ; elle se couvrait le visage de ses mains, versait d’abondantes larmes, poussait des gémissemens, et avait, en un mot, des manières si semblables aux nôtres, qu’on eût dit qu’il ne lui manquait que la parole pour être de tout point une créature humaine. Les Javanais, à la vérité, prétendent que ces satyres pourraient parler, mais qu’ils ne le veulent pas faire, de peur qu’on ne les oblige au travail ; opinion trop ridicule pour que je prenne la peine de la combattre. Ils les désignent sous le nom d’orang-outang, qui si-