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et épais. Son visage avait beaucoup du visage humain ; mais son nez applati, déprimé au milieu et tout entouré de rides, le faisait ressembler à une vieille édentée.

« Ses oreilles étaient conformées comme les nôtres, et il en était de même de sa poitrine qui portait deux mamelles rebondies (car l’animal était du sexe féminin). Son ventre présentait un nombril un peu creux, et ses membres tant supérieurs qu’inférieurs ressemblaient tellement à des membres humains, qu’à peine deux œufs se ressemblent davantage. Le coude était bien en son lieu, les doigts avaient le nombre requis d’articulations, et il n’y avait pas jusqu’au pouce qui n’offrît la disposition qu’on lui trouve chez l’homme. Les jambes avaient leurs mollets, le pied son talon disposé de manière à appuyer sur le sol ; bref, l’animal était bâti de telle sorte qu’il pouvait marcher le corps droit (ce qu’il faisait assez souvent), soulever un lourd fardeau, et le transporter sans paraître gêné.

« Pour boire, il saisissait le vase par l’anse avec une main, tandis qu’avec l’autre main il en soulevait le fond ; ensuite, il s’essuyait les lèvres gravement et avec toute la grâce qu’eût pu mettre à cette action un homme de cour. Il ne montrait pas de moins bonnes manières, quand il s’agissait d’aller au lit ; il posait doucement sa tête sur l’oreiller, s’assurait que ses couvertures étaient bien arrangées, et agissait, en un mot, comme l’aurait fait un homme accoutumé aux commodités de la vie. »

Je laisse de côté le reste du passage, où Tulpius ne parle plus d’après ses propres observations, mais d’après les renseignemens qu’on lui avait fournis sur l’orang de Bornéo, animal qu’il considérait, ainsi que je l’ai dit, comme tout-à-fait identique avec le quoias-morrou du Congo. Cette erreur, au reste, n’ôte rien au mérite de la description qu’il nous a donnée, parce qu’il a eu le bon esprit de ne point mêler ce qu’il savait à ce qu’il croyait, d’exposer à part ce qu’il avait vu et ce qu’on lui avait dit. Il est vrai que, trop frappé des ressemblances qu’il trouve en comparant ce grand singe à l’homme, il oublie de nous faire remarquer les différences, et peut jusqu’à un certain point nous induire en erreur ; mais la figure qu’il a jointe à son texte sert à rectifier ce qu’il y a d’inexact dans ses paroles : ainsi, en même temps qu’il nous dit que les membres de ce satyre et ceux de l’homme sont semblables comme deux œufs,