Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/685

Cette page a été validée par deux contributeurs.
679
DE LA DÉMOCRATIE ET DE LA BOURGEOISIE.

continentale, qui lie forcément son sort à celui de tous les grands états de l’Europe ; demandez-en compte surtout à ces luttes passionnées où se consume si tristement sa vie. Félicitez les États-Unis d’échapper à de telles épreuves ; mais ne taxez pas d’improductif le principe gouvernemental sorti de 89 ; ne niez pas qu’il ne puisse devenir le levier d’une incomparable prospérité.

La nature, qui a prédestiné la France à un gouvernement central, semble aussi, comme on l’a dit souvent, l’avoir faite monarchique. Cette maxime a reçu la haute sanction de l’expérience et des évènemens. Qu’on ne s’abuse pas cependant sur ce point, et qu’on se garde d’illusions dangereuses sur le rôle politique aujourd’hui déféré à la royauté. Si, depuis six années, elle a chaque jour étendu la sphère de son action, avec l’assentiment manifeste du pays, comprenons bien qu’on doit moins l’attribuer aux tendances naturelles de l’opinion qu’aux circonstances extraordinaires que ce pays a traversées. Lorsqu’une grande nation vit, pour ainsi dire, sous la tente, livrant un combat par jour à l’anarchie, il faut un homme pour conduire cette guerre et organiser la résistance. Or, quand un prince se montre à la hauteur de l’œuvre que la nécessité seule lui avait d’abord fait départir, le sacre des balles et l’honneur d’un immense succès donnent au roi une puissance à laquelle il ne faudrait pas mesurer la puissance même de la royauté.

Qu’on ne se fasse pas illusion : observée dans ses rapports naturels, dans sa situation normale, vis-à-vis de la royauté, la bourgeoisie sera inquiète et réservée. Elle redoutera constamment son alliance avec les débris du passé tant qu’ils n’auront pas disparu, avec l’Europe où ce passé est vivant encore. La royauté aura donc à s’effacer pour qu’on ne l’accuse pas de se créer une politique à part et une influence en dehors des intérêts par lesquels elle existe. Ceux-ci lui rappelleront avec hauteur leur puissance et son berceau ; fort éloignés de l’indépendance républicaine, ils n’en auront pas moins l’aspérité de langage ; et l’on peut prévoir que, du jour où ces intérêts seront complètement rassurés sur les périls du dedans et du dehors, la maxime : Le roi règne et ne gouverne pas, tendra à redevenir, pour la bourgeoise, la règle du droit constitutionnel, comme : le sang de ses enfans n’appartient qu’à la France, restera le dogme de son droit international. L’on verra concurremment s’étendre la centralisation et se circonscrire l’ac-