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mais les nationalités ne se transvasent pas l’une dans l’autre, et les peuples changent leurs institutions sans changer leur nature.

Sachons, d’ailleurs, reconnaître que la plupart des objections dirigées contre le principe de la centralisation (on comprend assez qu’il ne s’agit pas de ses abus) demeurent chez nous sans application véritable. On met chaque jour, par exemple, en regard de la lenteur d’exécution, des procédés timides et routiniers inhérens à l’administration générale, ce que le génie local de la libre association enfante dans d’autres contrées ; et au tableau de l’Amérique faisant circuler la civilisation sur les routes en fer et les canaux innombrables qui sillonnent son territoire, on oppose l’immobilité de la France, où des entreprises grandes et fécondes s’opèrent si rarement et à si grand’peine : contraste plus apparent que réel, que la réflexion ne doit pas hésiter à repousser.

Si traçant, en effet, un parallèle entre l’œuvre de la force centralisante en France et celle des forces libres en Amérique, depuis cette année solennelle qui détermina pour l’une et pour l’autre les formes de leur organisation sociale[1], opposant au tableau, si imposant, du reste, des républiques transatlantiques, celui de nos longs efforts pour faire notre révolution et pour la défendre contre les résistances du dedans et du dehors ; si l’on montrait la France conquérant l’Europe, puis payant le tribu de sa rançon sans succomber sous deux invasions formidables ; si on la faisait voir, après les plus mauvais jours, reprenant, heureuse et prospère, sa place à la tête des monarchies constitutionnelles, jetant son or à tort et à travers en Espagne, en Grèce, à Alger, puis à Anvers, à Ancône, partout où une idée se trouvait engagée ; si l’on calculait ce que la centralisation a donné de force à la république, à l’empire, à la restauration et au gouvernement de 1830, à côté de cette masse de richesses et d’efforts, les rail-ways, les machines et les bateaux à vapeur américains ne feraient, je le crois, qu’une assez mesquine figure.

Que si ces efforts ont presque toujours été perdus pour la prospérité publique, si la France a versé le meilleur de son sang et usé ses trésors en des querelles stériles, prenez-vous-en à sa position

  1. On sait que la constitution actuelle de l’Union remonte à 1789