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plus devant nos critiques, qu’elle n’a besoin pour avancer de nos éloges.

La conquête avait assis en Europe l’idée du pouvoir politique sur celle de la possession de la terre. La révolution française a eu pour objet de faire pénétrer entre ces deux idées celle du droit de l’intelligence. Sur cette double base s’organise aujourd’hui le gouvernement de la bourgeoisie, fixe dans les principes, et toujours mobile dans les personnes ; changeant sans cesse d’instrumens, selon les chances de la fortune, que les nécessités et l’esprit du temps contraignent chacun à courir, mais se maintenant toujours, envers les classes inférieures, dans des rapports de tutelle et de patronage ; rapports que les efforts de la démocratie ne parviendront pas à changer, bien que l’esprit du christianisme, devenu la philosophie pratique de la société moderne, tende sans cesse à les rendre plus doux et plus paternels.

Que si l’on se demandait maintenant quelles institutions s’assortissent au génie de la classe moyenne, il est manifeste que l’uniformité des mœurs appelle l’uniformité administrative, et que la rapidité des transactions, la liaison et la multiplicité des intérêts, semblent pousser le pouvoir vers une centralisation puissante.

On ne prétend pas établir d’une manière absolue que la centralisation soit de l’essence du gouvernement bourgeois. Il se peut qu’à cet égard chaque peuple maintienne l’empire de ses habitudes et de son génie. Cependant comment ne pas reconnaître quelque chose d’éminemment centraliste dans le bill de réforme, par exemple ? comment nier qu’en Amérique cette grande faction fédéraliste, qui n’était au fond qu’une sorte de parti bourgeois, formé un siècle trop tôt, n’eût sur ce point des dispositions fort prononcées ? enfin comment ne pas s’arrêter au spectacle instructif qu’offrent en ce moment les Pays-Bas, cette terre classique des vieilles franchises et des libertés locales ? On voit là, comme en France, l’école du juste-milieu en lutte contre le libéralisme sur les questions de principes, contre l’aristocratie sur les questions d’organisation intérieure, se préoccuper surtout du soin de ressaisir pour le pouvoir des attributions qu’il n’a jamais eues, ou qui lui étaient échappées. Mais à quoi bon les inductions en présence du fait le plus caractéristique du siècle ?