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REVUE. — CHRONIQUE.

tesque question de la Circassie et de son littoral se réduira à l’affaire du Vixen aux proportions d’un schooner, à une consultation d’avocats de la couronne, et se terminera par quelque indemnité accordée en secret à un armateur. Le Morning-Chronicle n’en est-il pas à présenter comme un symptôme politique favorable à l’Angleterre, l’apparition d’un petit drapeau Tcherkesse, agité à travers une jalousie du sérail par une des femmes du grand-seigneur ! Au lieu de ces puérilités, ne serait-il pas temps de créer de grandes conventions commerciales entre la France et l’Angleterre, et d’élever contre ces combinaisons un rempart d’intérêts français et anglais, qui sont loin d’être aussi incompatibles qu’on le pense ?

En France, nous avons d’autres affaires. Il s’agit de savoir quel est le parti révolutionnaire, de M. Fonfrède et de ses amis, ou du Journal des Débats, en tête de ceux qui veulent la monarchie de juillet, tel que l’entendait le ministère du 11 octobre, avec les lois de septembre et autres, que M. Fonfrède trouve insuffisantes, et déjà trop arriérées. Ainsi le parti gouvernemental, après s’être scindé en centre droit, en centre gauche, voit se former encore un tiers-parti dans le parti de la droite, comme il s’en était déjà formé un dans la nuance opposée. En vérité, la politique devient si subtile et si compliquée, que les meilleurs esprits ont peine à la suivre. Nous voici arrivés aux épurations à l’espagnole, et il ne faut pas désespérer de voir tomber un jour, à Paris, quelque publiciste d’Aubenas ou de Carcassonne, qui viendra, à son tour, traiter M. Fonfrède de negro ! À voir ces folies sous leur côté sérieux, c’est un triste spectacle que celui qui se présente ; et M. Guizot, qui n’est, à vrai dire, ni un proscripteur ni un ennemi mortel de nos institutions, ne doit pas être le dernier à faire d’amères réflexions sur ce qui n’est, après tout, que le résultat exagéré et l’interprétation inintelligente de ses doctrines. M. Guizot s’était créé une sorte d’absolu constitutionnel ; il cherchait à donner au pouvoir une force assez grande pour dominer, sans effort, les résistances qui sont dans la nature même de notre régime. Bientôt les amis de M. Guizot ont exagéré ses principes, comme il arrive d’ordinaire ; et aujourd’hui nous voyons les amis des amis du chef de la doctrine les pousser tous à la fois dans un avenir sans nom et vers un but qu’on ne saurait dire. M. Guizot, qui nous a si souvent et si éloquemment engagés à nous défier de la mauvaise queue de la révolution, n’est-il pas embarrassé de la sienne à cette heure ? N’est-ce pas un peu l’histoire de la poutre et de la paille de l’Évangile ? Assurément M. Guizot ne veut pas aller où voudrait aller M. Fonfrède, si toutefois M. Fonfrède sait où il va. Certes, M. Guizot, nous ne disons pas le ministère, car M. Molé est à l’abri d’un pareil soupçon ; certes M. Guizot, quoiqu’on l’en accuse, n’en est pas à rêver des coups d’état, un 18 fructidor ou un 18 brumaire, ni rien de semblable à cela. M. Guizot a trop de confiance dans le pouvoir de la parole, et de sa parole surtout, pour aider un parti, qui le voudrait, à renverser la tribune. Le gouvernement de discussion lui a été trop favorable pour étouffer la discussion dans le gouvernement, et personne plus que lui peut-être ne souffre de ces déclamations gasconnes qui finiront par lui enlever ses amis les plus utiles. Mais M. Guizot, cherchant partout sa force gouvernementale, et voulant la placer par-