Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/631

Cette page a été validée par deux contributeurs.
627
POÈTES ET ROMANCIERS ANGLAIS.

Tam, son cerveau fume tant de boisson,
Qu’à chance égale il battrait un démon !
Mais tout court Meg s’arrête épouvantée. —
Enfin des pieds, des mains admonestée,
Et Tam sur Meg s’était à peine enfui,
Que le sabbat s’élançait après lui.

Comme l’abeille en bourdonnant s’envole
De sa maison qu’un pâtre attaque et vole ;
Comme les chiens, du lièvre ennemis nés,
Jappent après, pop ! s’il leur part au nez ;
Comme la foule avec ardeur se rue ;
Quand « au voleur ! » retentit dans la rue,
Ainsi Maggy ventre à terre s’enfuit,
Et tout l’enfer en hurlant la poursuit.

Tam, mon cher Tam ! ah ! quel cadeau de foire !
Au feu d’enfer griller comme un hareng !
C’est bien en vain que ta Cathos attend !
La pauvre femme ! avant peu quel déboire !
Va de ton mieux, Maggie, avance donc !
Quand tu seras plus d’à moitié du pont[1],
Remue alors la queue : une sorcière
N’a pas le droit de passer la rivière !
Mais à son but avant qu’elle atteignît,
Ce fut le diable à mouvoir que sa queue !
Car sur le reste en avant d’une lieue,
De ses dix doigts Nanny vous l’étreignit.
Et jusqu’à Tam s’alongeait avec rage ! —
Mais de Maggy que ne peut le courage ?
Un élan met son maître en sûreté !
Oui, mais sa queue est laissé en arrière,
Et du croupion que tenait la sorcière
Le tronc à peine à Maggie est resté.

Vous qui lirez cette sincère histoire,
Enfans de père et mère, il faut me croire :
Si vous sentez quelque penchant à boire,
Chemise courte en tête vous trotter,
Songez qu’on paie un plaisir souvent cher,
Rappelez-vous Meg de Tam O’Shanter.

L… W…
  1. C’est un fait bien connu qu’il est interdit aux sorcières et autres esprits malfaisans de poursuivre leur proie au-delà de la rivière voisine.