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POÈTES ET ROMANCIERS ANGLAIS.

Ah ! mon cœur saigne à penser, chères dames,
Aux doux avis, si sages et si longs,
Qu’en vrais ingrats, hélas ! nous méprisons,
Par ce seul fait qu’ils viennent de nos femmes !

Mais à mon conte : un soir, son marché fait,
Tam se carrait, comme vous pouvez croire,
Au coin d’un feu flambant clair, et humait
Maints pots mousseux, et qui se laissaient boire
Divinement ; à son coude, un ami,
Son altéré, son fidèle Johnny
Le cordonnier. (Souvent comme deux frères
Ils se grisaient des semaines entières.)

La nuit passait en babil, chants joyeux ;
Les cruches d’ale étaient plus savoureuses ;
L’hôtesse et Tam devenaient gracieux :
Faveurs suivaient, secrètes, précieuses ;
Johnny contait ses plus plaisans rébus ;
L’hôte en riant à tout faisait chorus :
Qu’autour le vent mugisse et se démène,
C’est un sifflet que Tam écoute à peine.

Le Souci, fou de voir des gens heureux,
Au fond des pots se noyait avec eux,
Et s’envolaient, comme un essaim d’abeilles
Lourd de trésors, les minutes vermeilles :
Sans être roi, Tam était glorieux,
Et de tous maux enfin victorieux.

Mais les plaisirs sont des pavots qu’on cueille,
Vous saisissez la fleur, elle s’effeuille ;
Ou bien encor flocons de neige au flot,
Un instant blanche — et fondant aussitôt ;
Ou bien aussi l’aurore boréale,
Qu’on veut montrer et qui s’enfuit avant ;
Ou l’arc-en-ciel à l’orage rendant
Sa forme aimable et qui dans l’air s’exhale. —
Nul bras mortel ne saurait retenir
Temps ni marée : il faut s’en revenir.
C’est l’heure, ô nuit ! clé de la sombre voûte,
Heure d’effroi ! Tam trotte sur la route,
Et par un temps tel que pécheur jamais
Ne fut dehors sous un ciel si mauvais.