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REVUE DES DEUX MONDES.

Mais dieux en a reprins sa portion meilleure,
Et ceste part terrestre en grand deuil nous demeure.

(ixe janvier m. ve. xiii.)


Cette boîte précieuse, échappée par hasard au vandalisme de la révolution, n’a été depuis l’objet d’aucun soin. En 1824, nous l’avons vue entre les mains du concierge de l’hôtel-de-ville, qui la conservait dans une vieille commode, avec les bijoux de chrisocale de sa femme.

On a détruit, en 1823, la chapelle de la Miséricorde, située dans la paroisse de Saint-Similien, et qui fut fondée au sixième siècle en mémoire de l’un de ces combats si fréquemment racontés par les légendaires. Dans une forêt qui couvrait le coteau où se trouve actuellement la place de Viarme, vivait un dragon, tenant du taureau et du serpent, qui dévorait à l’entour gentilshommes et manans, habitans et pèlerins. Trois seigneurs de Nantes se décidèrent à l’aller attaquer dans son repaire, après s’être munis de scapulaires et de bonnes cuirasses. Quand ils arrivèrent au bois, la bête, sortant de sa caverne aussi furieuse qu’une lionne qui défendrait son lionceau, s’élança vers eux en sifflant ; ce qu’entendant, un des seigneurs sentit son cœur faillir et sa foi en la protection divine qui s’en allait. Il voulut donc tourner bride, mais trop tard. Le monstre était arrivé sur lui, et d’une morsure avait fait quatre morceaux de l’homme et du cheval. Cependant les deux autres seigneurs, sans pâlir devant un pareil spectacle, offrirent leur vie en holocauste au vrai Dieu et à leurs frères ; puis, tenant d’une main leurs scapulaires, de l’autre leur épée, ils poussèrent au dragon, qui, sans faire aucune résistance, se jeta à leurs pieds et se laissa tranquillement tuer par eux. On transporta processionnellement à Nantes, au grand ébahissement et à la grande terreur de tous, le squelette du monstre, dont la mâchoire inférieure fut détachée et déposée dans le trésor de la cathédrale. Elle s’y trouvait encore en 1773. La chapelle de la Miséricorde fut élevée en commémoration, au lieu même où la bête avait été égorgée. Lors de sa destruction, on voyait sur les vitraux des peintures relatives à la légende que nous venons de rapporter. D’un côté était le dragon mort, un homme déchiré et un évêque, de l’autre trois cavaliers armés, au-dessous desquels on lisait ces rimes :