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POÈTES ET ROMANCIERS ANGLAIS.

où le violon joue un air national, la fatigue est oubliée, toutes les tailles courbées par le travail se redressent, tous les yeux étincellent de plaisir, et c’est à qui fera preuve, sinon de plus de grâce, au moins de plus d’agilité, de verve et de justesse d’oreille.

L’instruction ainsi répandue fit germer la poésie dans les campagnes, et sans cette loi, née d’une révolution, et qu’il fallut une autre révolution pour mettre en vigueur, il est possible que la couronne poétique de l’Écosse ne se fût pas enrichie de ses trois plus belles fleurs des champs, Allan Ramsay, Robert Fergusson et Robert Burns.

Allan Ramsay, que l’on a surnommé le Théocrite écossais, était, à ce qu’on croit, le fils d’un ouvrier employé dans les mines de plomb du comte de Hopetoun, à Lead-Hills. Il naquit sur les hautes montagnes qui séparent Clydesdale et Annandale, dans un petit hameau sur les bords du Glengonnar, petite rivière qui descend dans la Clyde. On montre encore aux voyageurs les ruines de ce hameau. Au commencement du siècle dernier, il vint à Édimbourg où il se fit apprenti barbier ; il avait alors quatorze ou quinze ans. S’étant senti du goût pour la poésie, et ayant composé des vers dans l’idiome écossais, il échangea sa profession contre celle de libraire, et se lia avec plusieurs gens de lettres et hommes à la mode. En 1721, il publia un volume de poésies qui reçut un accueil favorable, puis un recueil de mélodies nationales sous le titre d’Ever green (toujours vertes), et son succès fut constaté par nombre d’imitations. Ce devint une mode à Édimbourg de composer de tendres sonnets pour les airs favoris de sa maîtresse : ce n’étaient plus que bergers épris et langoureux. Vers l’année 1731, Robert Crawford d’Auchinames écrivit Tweedside, qui excita l’enthousiasme général. En 1743, sir Gilbert Elliot, le premier Écossais homme de loi qui sut parler et écrire élégamment l’anglais, ayant eu le déplaisir de voir miss Forbes, sa maîtresse, épouser Ronald Crawford, exhala sa plainte dans la délicieuse romance My sheep I neglected, I lost my sheep hook (je négligeais ma brebis, j’ai perdu ma houlette) ; et douze années plus tard, la sœur de ce même sir Gilbert se fit l’interprète de la douleur nationale dans les paroles adaptées à l’air Flowers of the forest (les fleurs de la forêt), petite composition charmante à laquelle l’allégorie n’ôte rien de son naturel. Ajoutez à ces citations la ballade de Hardiknute, par