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grandes privations pour donner à un de leurs fils au moins les avantages précaires d’une éducation libérale.

Si l’on pouvait douter de l’immense influence de l’instruction primaire sur la morale publique, on n’aurait qu’à comparer le relevé des trente années de 1767 à 1797, qui constate que les exécutions en Écosse ne s’élevaient pas à six par année, avec le tableau fait cent ans auparavant par Fletcher de Saltoun, où il avoue qu’il n’y a pas en Écosse moins de cent mille vagabonds qui, sans égard, non-seulement aux lois du pays, mais à celles de Dieu et de la nature, vivent dans une promiscuité incestueuse de frère à sœur, de père à fille, de fils à mère, et se rendent fréquemment coupables de vol et même d’assassinat.

L’église écossaise, qui se trouva, comme on l’a vu, intéressée à propager l’instruction, eut aussi sur la musique, du moins sur la musique vocale, une influence favorable et toute contraire à celle que l’on devait naturellement craindre de la rigidité de ses principes. Lors de l’établissement de la réforme en Écosse, la musique instrumentale fut bannie des églises comme un divertissement profane. Au lieu d’être réglées par un instrument, les voix de la congrégation furent dirigées par un chef de chant, nommé le grand-chantre, et il était d’usage que tous les assistans joignissent leurs voix à celles qui chantaient le Psaume. La musique d’église fit donc partie de l’éducation des paysans.

C’est d’ordinaire pendant les longues soirées d’hiver qu’ils recevaient leurs leçons de chant du maître d’école de la paroisse, lequel généralement n’était autre que le grand-chantre, ou bien de quelque professeur ambulant que la beauté de sa voix avait mis en vogue ; puis, le maître parti, à la musique succédait la danse. C’est à cette leçon qu’on accourait avec ardeur. Pour salle quelque grange dont le plancher était de terre ; pour lustre, des chandelles au bout d’un bâton fiché dans la muraille ; pour maître, l’un d’entre eux. Mais comme le zèle des écoliers suppléait à tout, avec quelle verve joyeuse se succédaient les reels, les strathspeys, les hornpipes et toutes les danses du pays !

Le goût de la danse est très prononcé chez les Écossais de tout rang, mais surtout chez les paysans. Après les travaux de la journée, filles et garçons font plusieurs milles à pied par de froides et terribles nuits d’hiver pour se rendre à ces écoles, et dès l’instant