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nèbre, l’aînée de mes pièces publiées ; la Mort du pauvre Mallie, Jean Grain-d’Orge, et les première, deuxième et troisième chansons… La deuxième me fut inspirée par cette passion dont j’ai parlé, et qui interrompit mes études.

« Ma vingt-troisième année fut pour moi une époque importante. Moitié caprice, moitié désir de me mettre à faire quelque chose dans la vie, j’entrai chez un sérancier de la ville voisine (Irwine), pour apprendre son métier. Ce fut une malheureuse affaire…… ; et, pour m’achever, comme nous fêtions le nouvel an, la boutique prit feu, et fut réduite en cendres, de sorte que je me trouvai sur le pavé, comme un vrai poète, ne possédant pas douze sous.

« J’avais été obligé d’abandonner mon projet ; l’infortune épaississait ses nuages autour de la tête de mon père ; les progrès de la consomption étaient, hélas ! bien visibles, et, pour couronner mes malheurs, une belle fille que j’adorais et qui m’avait donné rendez-vous dans le champ du mariage, m’attrappa avec certaines circonstances mortifiantes. Le dernier des maux qui fermait cette marche infernale, fut que la mélancolie naturelle de mon tempérament s’accrut à un degré tel, que je fus, pendant trois mois, dans un état d’esprit à ne pas être envié même par les malheureux sans espoir qui viennent d’être arrêtés.

« Cette aventure m’apprit à connaître quelque chose des villes. Mais ce qui influa le plus sur mon esprit, ce fut l’amitié que je formai avec un jeune garçon, noble caractère, mais le fils chéri du malheur. Son père était un simple artisan ; mais un homme considérable du voisinage, l’ayant pris sous sa protection, lui donna une éducation libérale, dans l’idée d’améliorer sa situation dans la vie. Malheureusement, son patron mourut tout juste lorsqu’il était en état de se lancer dans le monde, et le pauvre diable, au désespoir, prit le parti de s’embarquer. Après plusieurs vicissitudes de fortune, un peu avant notre liaison, il avait été abandonné sur la côte sauvage de Connaught, par un armateur américain qui l’avait entièrement dépouillé. Je ne puis quitter l’histoire de ce pauvre garçon sans ajouter qu’il est, à cette heure, maître, sur la Tamise, d’un grand bâtiment destiné aux Indes occidentales.

« Indépendance, magnanimité, il était doué de toutes les vertus d’un homme. Je l’aimais et l’admirais jusqu’à l’enthousiasme, et par conséquent, je m’efforçais de l’imiter. J’y réussis jusqu’à un