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HISTOIRE DE VITTORIA ACCORAMBONI.

la magnifique place nommée l’Arena ; il choisit le troisième à Salo, sur la rive délicieuse du lac de Garde : celui-ci avait appartenu autrefois à la famille Sforza-Pallavicini.

Les seigneurs de Venise (le gouvernement de la république) apprirent avec plaisir l’arrivée dans leurs états d’un tel prince, et lui offrirent aussitôt une très noble condotta (c’est-à-dire une somme considérable payée annuellement, et qui devait être employée par le prince, à lever un corps de 2 ou 3,000 hommes dont il aurait le commandement). Le prince se débarrassa de cette offre fort lestement ; il fit répondre à ces sénateurs que, bien que, par une inclination naturelle et héréditaire en sa famille, il se sentît porté de cœur au service de la sérénissime république, toutefois se trouvant présentement attaché au roi catholique, il ne lui semblait pas convenable d’accepter un autre engagement. Une réponse aussi résolue jeta quelque tiédeur dans l’esprit des sénateurs. D’abord ils avaient pensé à lui faire à son arrivée à Venise, et au nom de tout le public, une réception fort honorable ; ils se déterminèrent sur sa réponse à le laisser arriver comme un simple particulier.

Le prince Orsini, informé de tout, prit la résolution de ne pas même aller à Venise. Il était déjà dans le voisinage de Padoue, il fit un détour dans cet admirable pays, et se rendit, avec toute sa suite, dans la maison préparée pour lui à Salo, sur les bords du lac de Garde. Il y passa tout cet été au milieu des passe-temps les plus agréables et les plus variés.

L’époque du changement (de séjour) étant arrivée, le prince fit quelques petits voyages, à la suite desquels il lui sembla ne plus supporter la fatigue comme autrefois, il eut des craintes pour sa santé ; enfin il songea à aller passer quelques jours à Venise, mais il en fut détourné par sa femme, Vittoria, qui l’engagea à continuer de séjourner à Salo.

Il y a eu des gens qui ont pensé que Vittoria Accoramboni s’était aperçue du péril que couraient les jours du prince, son mari, et qu’elle ne l’engagea à rester à Salo, que dans le dessein de l’entraîner plus tard hors d’Italie, et par exemple, dans quelque ville libre, chez les Suisses. Par ce moyen, elle mettait en sûreté, en cas de mort du prince, et sa personne et sa fortune particulière.