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seulement que ce Dominique, surnommé Mancino, arrêté par la corte, avoue et sans être mis à la question (tormentato), dans le second interrogatoire, en date du 24 février 1582 :

« Que la mère de Vittoria fut la cause de tout, et qu’elle fut secondée par la cameriera de Bologne, laquelle, aussitôt après le meurtre, prit refuge dans la citadelle de Bracciano (appartenant au prince Orsini et où la corte n’eût osé pénétrer), et que les exécuteurs du crime furent Marchione de Gubbio et Paul Barca de Bracciano, lancie spezzate (soldats) d’un seigneur duquel pour de dignes raisons on n’a pas inséré le nom. »

À ces dignes raisons se joignirent, comme je crois, les prières du cardinal Montalto, qui demanda avec instance que les recherches ne fussent pas poussées plus loin, et en effet il ne fut plus question du procès. Le Mancino fut mis hors de prison avec le precetto (ordre) de retourner directement à son pays, sous peine de la vie, et de ne jamais s’en écarter sans une permission expresse. La délivrance de cet homme eut lieu en 1583, le jour de saint Louis, et comme ce jour était aussi celui de la naissance du cardinal Montalto, cette circonstance me confirme de plus en plus dans la croyance que ce fut à sa prière que cette affaire fut terminée ainsi. Sous un gouvernement aussi faible que celui de Grégoire XIII, un tel procès pouvait avoir des conséquences fort désagréables et sans aucune compensation.

Les mouvemens de la corte furent ainsi arrêtés, mais le pape Grégoire XIII ne voulut pourtant pas consentir à ce que le prince Paul Orsini, duc de Bracciano, épousât la veuve Accoramboni. Sa sainteté, après avoir infligé à cette dernière une sorte de prison, donna le precetto au prince et à la veuve de ne point contracter de mariage ensemble sans une permission expresse de lui ou de ses successeurs.

Grégoire XIII vint à mourir (au commencement de 1585), et des docteurs en droit, consultés par le prince Paul Orsini, ayant répondu qu’ils estimaient que le precetto était annulé par la mort de qui l’avait imposé, il résolut d’épouser Vittoria avant l’élection d’un nouveau pape. Mais le mariage ne put se faire aussitôt que le prince le désirait, en partie parce qu’il voulait avoir le consentement des frères de Vittoria, et il arriva qu’Octave Accoramboni, évêque de Fossombrone, ne voulut jamais donner le sien, et en