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L’UNION DU MIDI.

Suisse. Sans doute la ligue allemande est, avant tout, une assurance mutuelle contre la concurrence des produits étrangers ; la Prusse et la Saxe ont voulu réserver pour leurs manufactures les marchés de l’Allemagne méridionale, pendant que les états du midi ont espéré approvisionner, de leurs produits agricoles, les provinces du nord. Mais l’intérêt politique domine dans cette conception ; la Prusse fait la loi, une loi que le reste de l’Allemagne subit. Or, la Prusse, déjà maîtresse de Neuchâtel, a un trop grand intérêt à voir la confédération helvétique s’associer à ces tentatives d’unité, et agrandir, par son adhésion, l’unité allemande, pour tenir compte des doléances que pourraient faire entendre la Bavière, Bade et le Wurtemberg.

L’Allemagne a toujours tendu à exercer sur la Suisse un droit de patronage ou de possession. Ce que la guerre n’a pas fait, on le ferait volontiers aujourd’hui par ce monopole commercial. Mais la Suisse n’a pas le même intérêt. Ce n’est pas du côté de l’Allemagne que se dirige son commerce principal ; la ligue prussienne ne pourrait pas, d’ailleurs, lui ouvrir la mer. Le Rhin, français jusqu’à Strasbourg, bavarois et prussien jusqu’à Cologne, tombe ensuite dans le domaine de la Hollande ; et ce n’est ni la voie la plus courte, ni la plus libre vers l’Océan. Les deux stations du commerce helvétique dans sa route à travers les terres, ses deux entrepôts naturels sont Lyon pour le midi, et Paris pour l’occident[1].

L’affinité de l’Allemagne avec la Suisse ne serait donc déterminée, dans le cas d’une association du côté de l’Allemagne, que par un intérêt politique, et, du côté de la Suisse, que par le moindre de ses intérêts commerciaux. La France, au contraire, est à la fois, pour les cantons, un allié politique et un allié commercial, l’appui naturel de leurs institutions, le principal de leurs débouchés et la voie régulière du transit. Ce dernier fait ressort clairement des relations établies entre les deux pays.

  1. « Il faudrait des bâtimens spécialement affectés à l’entrepôt des marchandises manufacturées, comme l’entrepôt du quai Saint-Bernard, pour les spiritueux. Nul doute qu’un vaste établissement de ce genre ne fût fort merveilleusement situé à Paris, où se trouve déjà le foyer de l’industrie française. Si l’on parvenait à y réunir les articles variés que pourraient fournir l’Allemagne, la Suisse et la Belgique, à des prix inférieurs à ceux de l’Angleterre, aucun marché de l’univers ne saurait présenter un choix semblable… Paris deviendrait l’entrepôt général de l’industrie continentale, le point de réunion des acheteurs de tous les pays. » (Mémoire de M. Jaquet.)