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de première nécessité ; et que sert de le surcharger d’un droit qui équivaut encore à 10 p. 100 de la valeur ?

La suppression des douanes, qui créerait un privilége pour les produits agricoles de l’Espagne sur le marché français, nous donnerait en échange sur le marché espagnol une prime égale aux droits du tarif qui deviendrait commun aux deux nations. C’est la plus belle perspective que l’on puisse ouvrir à notre industrie. Si l’Espagne, dans l’état de misère et d’anarchie où l’a laissée le gouvernement absolu, peut recevoir pour 39,000,000 de nos marchandises, que serait-ce de l’Espagne devenue libre et habituée au travail par la liberté ?

La Péninsule est une terre vierge qui renferme les élémens d’une merveilleuse prospérité. La fertilité du sol ne le cède point à celle de l’Italie, et partout où la culture a mis ce sol en valeur, comme dans le royaume de Valence et dans la Catalogne, il donne des produits abondans. M. Canga Arguelles, qui évalue à 8,572,220,592 réaux[1] le revenu du territoire espagnol, pense que le sol, cultivé avec intelligence, rendrait dix fois plus. Les mines de la Galice et des Asturies produisent un fer supérieur à celui de la Suède ; les mines de plomb des Alpujarras sont célèbres ; l’Aragon a des mines de houille fort riches ; le granit et le marbre forment, pour ainsi dire, la charpente de l’Espagne. Cette contrée est réellement dans son ensemble une mine immense à exploiter ; c’est la nation de l’Europe qui a le plus d’avenir. Les Espagnols voient s’étendre devant eux, relativement à leur propre territoire, une marge de développement semblable à celle que présentent aux habitans des États-Unis les vallées du Mississipi, du Missouri et de l’Ohio ; ils ont le désert à combler.

D’où vient que les capitaux de l’Angleterre, qui allaient s’ensevelir, en 1825, dans les mines du Mexique, ne se sont jamais dirigés vers l’Espagne ? D’où vient que les capitaux français, qu’ont successivement absorbés les emprunts des cortès et de Ferdinand VII, ne se portaient pas de préférence sur les mines des Alpujarras ou des Asturies ? C’est que le travail est difficile et la spéculation impossible dans un pays où la législation commerciale n’a rien de certain. L’accession de l’Espagne à l’association fran-

  1. Le réal de veillon vaut 27 centimes de notre monnaie.