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de francs (exportations et importations), le commerce avec la France, qui s’élève à plus de 65,000,000, entre pour un tiers dans ce mouvement. C’est donc un tiers environ du produit des douanes que l’on retrancherait en ouvrant la frontière des Pyrénées ; mais le gouvernement espagnol aurait bientôt comblé le déficit par une réforme intelligente des tarifs.

L’Espagne n’est pas et ne sera jamais un pays d’industrie : avec un sol riche et fécond qui n’exige pas de grands frais de culture, c’est vers la production agricole que ce peuple doit tourner son activité. Là sont ses moyens d’échange ; il ne se fera jamais manufacturier ni pour son propre usage ni pour le service de l’étranger. Il est des peuples-machines qui semblent nés pour le travail de fabrique, chez qui tout homme se considère lui-même comme une pièce du grand rouage qui met l’atelier en mouvement. Mais l’Espagnol n’a point cette application patiente et de détail ; son caractère est trop indépendant et trop idéal à la fois ; ce n’est pas pour lui qu’a été inventée la division du travail.

Si le commerce de l’Espagne languit, et par suite son agriculture, il faut s’en prendre principalement à ces prohibitions capricieuses et absurdes qui encombrent ses tarifs. Avec un système de droits modérés, l’Espagne ferait un commerce immense, et son trésor appauvri se remplirait. La Péninsule peut moins qu’aucun autre pays adopter un système de restrictions commerciales. Elle a cinq cents lieues de côtes ou de frontières à garder ; traversée et sillonnée par des chaînes de montagnes dans toutes les directions, les mœurs de ses habitans favorisent la contrebande autant que la disposition des lieux. Ces habitudes de pillage, que l’Espagnol a retenues de la domination arabe, ne s’effaceront que sous l’influence d’un régime plus libéral. Le contrebandier ne sera pas long-temps un type d’héroïsme, quand il n’aura plus pour excuse dans sa vie périlleuse la rigueur du fisc et des lois.

Nous en dirons autant de nos tarifs. Quand on voudrait maintenir en France les abus du système protecteur, il conviendrait encore de faire exception en faveur des provenances espagnoles. L’Espagne n’a point d’industrie dont la concurrence menace nos manufactures ; c’est un pays à l’état brut. Sauf quelques fabriques de drap grossier qui sont établies en Catalogne, et quelques ateliers de soieries dans le royaume de Valence, c’est de l’étranger