Page:Revue des Deux Mondes - 1837 - tome 9.djvu/541

Cette page a été validée par deux contributeurs.
537
L’UNION DU MIDI.

ter contre les manufacturiers de Verviers[1] ; ceux-ci, à leur tour, ont adressé une pétition à la chambre des représentans belges pour demander le maintien de la prohibition qui pèse sur les draps français. Qui devons-nous croire ? N’est-il pas permis de supposer que des industries qui ont peur l’une de l’autre ne se feront pas beaucoup de mal ?

La Belgique, a-t-on dit, a sur notre industrie l’avantage des capitaux et de la main-d’œuvre. « L’ouvrier, dans ce pays, est misérable, mal logé, mal vêtu, mal nourri, parce que la moyenne de son salaire est de 40 p. 100 au-dessous de la nôtre…[2]. » Nous ne voulons pas contester l’exactitude de cette assertion pour le moment auquel elle correspond ; mais, depuis 1834, le prix de la main-d’œuvre a considérablement haussé en Belgique, parce que la prospérité, en croissant, a augmenté la demande du travail. La prime des capitaux, engagée dans l’industrie, s’est élevée en même temps. Au reste, nous le répétons, ce sont là des avantages que l’union commerciale doit égaliser entre les deux pays. Lorsque nos industriels auront le fer et la houille au même prix que les fabricans de Gand et de Charleroi, lorsque nos ouvriers, qui sont tout aussi sobres que les charbonniers de Mons et que les tisseurs de la Flandre, ne paieront ni la viande, ni la bière, ni le pain plus cher, ils se contenteront sans doute du même salaire, et leur bien-être ne diminuera point. Quant aux capitaux, nous citerons pour preuve de la tendance qu’ont ceux de la Belgique à se

  1. « Nos fabricans de draps et de tissus se sont prononcés en faveur des lois prohibitives et pour leur maintien : ils ont déclaré que 30 et 40 p. 100 de droit sur les draps étrangers ne leur suffisent pas ; et pourtant la Belgique a été française pendant quinze ans, les draps et les tissus du Limbourg se sont vendus pendant ce temps en concurrence avec les nôtres, et nos fabriques ont survécu ! Elles seraient donc bien déchues, puisque qu’une protection de 40 p. 100 serait insuffisante ! Nos fabricans de drap sont allés plus loin encore : ils ont déclaré qu’en les plaçant dans les mêmes conditions que leurs rivaux par l’entrée en franchise des matières premières, une protection de 15 à 20 p. 100 ne pourrait prévenir la ruine de leurs établissemens ! Si ce n’est point là réclamer le privilége et les bénéfices du monopole en faveur d’une industrie, c’est qu’alors le monopole n’est qu’un mot vide de sens et qui n’a point d’application. Les prohibitions ne prohibent rien, et ce mot désormais ne doit plus figurer dans la loi des douanes ; car ce que l’on repousse par une porte entre par l’autre. La fraude seule en fait son profit, au grand préjudice du budget des recettes et de la moralité de nos laboureurs, dont elles ont fait des contrebandiers. »

    (Chambre consultative d’Arras, tom. ier de l’enquête.)

  2. Avis de la chambre de commerce de Sedan.