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L’UNION DU MIDI.

les produits européens, ne permet pas aux peuples voisins de rechercher les denrées de notre sol. Par contre, nous sommes réduits à quêter, dans un autre hémisphère, des consommateurs qui veuillent recevoir les ouvrages de nos manufactures, et qui aient à nous envoyer en échange les matières nécessaires à l’industrie. L’Amérique du Nord, qui tient le premier rang parmi les débouchés de notre commerce extérieur, est aussi la nation qui consomme le plus d’objets de manufacture française. Les produits manufacturés, dont la proportion est de 73 sur 100 dans la somme générale des exportations, figurent pour un chiffre de 88 sur 100 dans nos exportations aux États-Unis.

Nous l’avons dit, dans son état actuel, le commerce français se rapproche de l’Amérique et s’éloigne de l’Europe. Les tarifs protecteurs, établis par la restauration dans l’intérêt de la grande propriété, malgré quelques tempéramens récens, ont donc tourné contre nous le blocus continental que Napoléon dirigeait contre l’Angleterre en 1810. Aujourd’hui comme alors, il n’est tempéré que par la contrebande, qui pénètre à travers les lignes de douanes, pour rétablir l’équilibre entre les importations et les exportations ; la fraude roule sur un mouvement annuel de 60 à 70,000,000 fr.

Ce système nous détache insensiblement du continent, auquel nous tenions par de si anciennes et si fortes racines, pour nous lancer vers le Nouveau-Monde, à la recherche de consommateurs dont l’industrie anglaise n’ait pas pris possession. Sans faire mention des grandes nations, telles que l’Angleterre, l’Allemagne et la Russie, notre législation commerciale nous oblige à tourner le dos à des peuples qui sont naturellement comme les satellites de notre sphère politique et les gardiens de notre frontière, à la Belgique, à la Suisse, à l’Espagne et au Piémont ; comme si ces liens, formés par les sympathies d’opinions ou par les relations de bon voisinage, n’avaient pas besoin d’être cimentés par l’échange et par la solidarité des intérêts !

La position de la France est continentale ; elle ne doit ni ne peut séparer ses intérêts de sa position. Ses alliances politiques, si vacillantes et si fragiles, n’auront de solidité que lorsqu’elles s’appuieront sur des relations commerciales librement et largement développées. Entre les peuples les plus solidaires de principes po-