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née vers la terre. Si le gouvernement des Bourbons était parvenu à la détacher du continent, le navire eût certainement péri.

Pour démontrer à quel point ces résultats vont contre la pente régulière de la France, nous exposerons encore quelques faits. Dans les exportations de 1835, les produits naturels entrent pour 152,165,096 fr., et les objets manufacturés pour 425,248,537 fr. ; la proportion est de 26 1/2 sur 100 pour les premiers, et de 73 1/2 pour les seconds. Dans les exportations de 1833, les produits naturels étaient aux objets manufacturés, comme 27 1/2 est à 72 1/2 sur 100 ; et dans celles de 1834, comme 28 1/2 est à 71 1/2 sur 100. Ainsi les produits du sol, nos moyens réels d’échange, ne sont pas le principal instrument du commerce de la France à l’extérieur. La proportion tend même à se réduire. Ce fait devient plus sensible dans les détails ; la valeur des boissons exportées, qui était, par exemple de 73,000,000 en 1833, ne compte plus que pour 69,000,000 dans les échanges de 1835 ; la réduction est de 6 pour 100 environ. Et remarquez qu’il s’agit ici de celui de nos produits indigènes qui est le plus échangeable, de celui qui ne redoute aucune concurrence, de celui qui pourrait passer pour la monnaie de nos transactions sur les marchés étrangers.

En Angleterre, les trois cinquièmes des travailleurs sont employés dans les manufactures, et la vapeur vient encore multiplier à l’infini ces forces de la production ; là les objets manufacturés sont le moyen d’échange naturel, et le commerce d’exportation prend la même direction que l’industrie. Les États-Unis, où le travail est presque entièrement agricole, n’exportent, par la même raison, que les produits du sol. Nous sommes le seul peuple au monde dont le commerce se meuve en dehors des voies tracées à l’industrie nationale, par la situation des lieux, par le climat et par les habitudes de la population. 25,000,000 de Français, les trois quarts de la population du royaume, sont occupés à cultiver les champs ; la richesse manufacturière ne représente chez nous, ni en capital, ni en revenu, une valeur égale à celle des produits de l’agriculture, et cependant c’est là que les expéditeurs vont prendre la matière de leurs exportations.

Cette tendance artificielle de notre commerce n’est pas de son choix. C’est le système protecteur qui, repoussant de nos ports