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L’UNION DU MIDI.

niers, n’ont pas suffi pour supprimer le commerce extérieur, elles l’ont certainement fait dévier des voies qui lui étaient tracées par notre situation. À ne comparer que les trois dernières années dont les résultats sont connus, 1833, 1834 et 1835, on reconnaît sur-le-champ que nos relations avec les pays voisins déclinent d’année en année. Ainsi l’Angleterre, où nous exportions pour 67,000,000 de nos produits en 1833, n’en a reçu en 1835 que pour une valeur de 59,000,000. Le commerce d’exportation avec la Belgique est descendu de 43,000,000 à 34 ; de 44,000,000 à 39 avec l’Espagne ; de 37,000,000 à 32 avec l’Allemagne ; et de 30,000,000 à 26 avec la Sardaigne. C’est une diminution de 14 p. 100 en trois années. Nos meilleurs débouchés, au contraire, ceux qui s’étendent tous les ans, sont au-delà de l’Océan, aux États-Unis, au Mexique, au Brésil et dans nos colonies. Nos exportations pour l’Amérique du Nord se sont élevées de 107,000,000, chiffre de 1833, à 145,000,000 en 1835, accroissement de 26 p. 100. Enfin, la somme de nos expéditions transatlantiques représente la moitié de notre commerce total.

Certes, c’est un grand coup de fortune que, dans l’isolement où un pouvoir insensé nous avait réduits, et en dépit de l’infériorité de ses moyens d’échange, le commerce français soit parvenu à se frayer les routes lointaines, et à regagner l’Amérique en perdant l’Asie. Mais les relations éloignées sont incertaines et changeantes ; des peuples adossés l’un à l’autre ont au contraire des rapports nécessaires et continuels, qui ne demandent, pour s’agrandir et pour se consolider, qu’à n’être pas contrariés. C’est de là que vient pour les nations la richesse, lentement, mais sûrement amassée ; le reste participe plus ou moins des chances d’une loterie.

L’Angleterre, placée entre les deux continens, et qui n’a pas de voisins, est libre de choisir sa direction. Ses intérêts ne sont point spéciaux, mais universels ; et comme elle fait l’avant-garde du commerce européen, il lui convient, plus qu’à tout autre peuple, de sonder les mers inconnues, de fonder des colonies, et de servir de facteur, dans un autre hémisphère, à notre civilisation. Si l’Angleterre est, comme on l’a dit admirablement, un vaisseau à la voile, la France est un navire à l’ancre, et qui a sa poupe tour-