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REVUE. — CHRONIQUE.

aussi en souriant qu’on prît bien garde à lui s’il allait en Afrique, qu’il pourrait bien attaquer Tunis et Maroc. Il a fallu renoncer à l’idée de précipiter l’ancien président du conseil dans une gloire lointaine et nouvelle ; M. Thiers restera en face des doctrinaires et n’ira pas en Afrique.

Le coup fatal qui frappe M. Guizot dans ses affections les plus chères, intervertit l’ordre des travaux de la chambre, qui ne saurait discuter la loi sur l’instruction secondaire sans la présence du ministre de l’instruction publique. On va passer un peu à contre-cœur à la discussion de la loi sur l’organisation de la garde nationale, dont on se soucie assez peu sur tous les bancs. On est préoccupé et on attend ; l’ingratitude de la situation pèse sur tout le monde. Le ministère ne croit pas à l’adhésion franche de la chambre ; la chambre, de son côté, sent très bien que le ministère manque d’union et de durée, et cependant elle semble craindre d’amener elle-même sa chute par une manifestation un peu franche. La fraction doctrinaire a perdu l’espoir de constituer à elle seule une administration ; mais elle s’attache à tenir en échec les forces qui ne sont pas les siennes ; on peut demander jusqu’à quel point il est gouvernemental de travailler à empêcher l’avènement d’un pouvoir homogène, quand on est dans l’impuissance de l’établir soi-même. Cette situation si perplexe doit s’aggraver encore, si la chambre, paralysée par de vagues menaces de dissolution, ne se détermine pas à prêter un appui positif aux élémens anti-doctrinaires de l’ancienne majorité. La chambre ne saurait se préoccuper de cette intimidation de nouvelle espèce ; elle peut, sans péril pour elle-même comme pour le pouvoir, travailler au remaniement du cabinet, puisqu’elle a dans son sein une majorité pour appuyer sur-le-champ une administration qui s’éloignerait des voies réactionnaires du 6 septembre. On lui dit que le rejet des lois présentées n’amènerait pas la chute du ministère : n’importe, qu’elle les rejette toujours, si elle les trouve impraticables et funestes. Un pouvoir politique ne doit jamais manquer à sa position et à ses devoirs ; il se rend l’avenir plus facile en suivant sincèrement ses convictions ; si le pouvoir parlementaire usait avec franchise de son autorité constitutionnelle, non-seulement il se relèverait, mais il rendrait au gouvernement même la force morale qui lui manque aujourd’hui.


M. Janin, dans un de ses derniers feuilletons du Journal des Débats, s’est permis de qualifier cette Revue de médiocre et d’obscure, ajoutant que c’était une revue de l’autre monde, et autres facéties. La phrase est d’une crudité choquante que le Journal des Débats a, en général, pour principe d’éviter, et qui sort de ses habitudes de prudence assez polie. Comme ce journal est semblable à ces états despotiques où le