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tibles, indolentes, égoïstes, et l’absence de traditions publiques un peu anciennes les abandonne à elles-mêmes, à leurs caprices, à leurs faiblesses. Cependant il s’agirait de tenter aujourd’hui, par les forces parlementaires, une entreprise dont peut dépendre la sécurité de l’avenir ; il s’agirait d’enlever la majorité et le pouvoir à une coterie rétrograde qui compromet et use à son profit toutes les ressources de l’état, tous les ressorts de la constitution, qui se couvre d’une autorité légalement inviolable, et qui prend pour bouclier le nom du chef irresponsable de l’état. Or, comme l’a fort bien dit M. Odilon Barrot, si le roi est le bouclier, il recevra tous les coups. En défendant le Siècle, le chef de l’opposition parlementaire a traité admirablement la question constitutionnelle du gouvernement des trois pouvoirs. On ne saurait à la fois mieux défendre les libertés nationales et satisfaire aux convenances politiques. Le Journal des Débats, suivant une tactique assez grossière, s’est efforcé de compromettre M. Barrot par des éloges qui avaient au moins dans ses colonnes le mérite de la nouveauté : il a presque mis sur la même ligne la harangue de M. Guizot à Lizieux et l’éloquent plaidoyer de M. Barrot ; mais cette mauvaise foi sera sans succès, et personne ne croira à cet accord de principes entre M. Guizot et l’orateur de la gauche.

Dans le procès du Siècle, les récusations du ministère public s’adressant à trois avocats et à d’autres jurés exerçant des professions libérales, ont produit au Palais la plus pénible impression. On se demandait comment, dans une question de droit public, les agens du pouvoir repoussaient avec empressement les jurisconsultes et les hommes que leur éducation prépare davantage à l’intelligence des controverses constitutionnelles. En général, les dernières lois proposées par le ministère ont fait, dans le juste-milieu même, dans le commerce, dans la banque, dans le barreau, un ravage effrayant ; elles y ont porté la désaffection, la défiance de l’avenir. Les jurisconsultes sont scandalisés de la légèreté avec laquelle on bouleverse les principes de toute procédure ; on trouve exorbitante la demande d’un majorat à perpétuité au capital de 40 millions ; est-il habile d’exiger tant d’argent d’un pays auquel on prêche chaque matin le culte exclusif des intérêts matériels ?

On commence à s’occuper beaucoup de Constantine. L’Afrique prend de jour en jour plus d’importance dans les affaires de la France. La disgrace que les élémens ont fait éprouver à nos armes a tourné sur Alger et sur nous l’attention de l’Europe. On nous regarde ; on nous examine. Saurons-nous reprendre sur l’Arabe l’ascendant que nous n’aurions jamais dû perdre ? Il y va de l’honneur de la France et de la réputation de notre armée. Sans doute, dans les chambres, personne n’osera contester la nécessité d’une expédition nouvelle ; mais les ennemis de la colonisation