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DU THÉÂTRE EN FRANCE.

tiés qui ne résistent pas à la franchise valent-elles un regret ? Nous croyons sérieusement que la poésie lyrique et le roman sont aujourd’hui très supérieurs au théâtre, c’est-à-dire sont représentés par des œuvres plus glorieuses, plus durables, plus conformes aux lois générales de l’art ; cette croyance n’est pas née chez nous en un jour ; c’est le troisième terme d’un syllogisme que nous avons posé depuis plusieurs années ; il nous semble naturel et raisonnable d’énoncer sans restriction la croyance à laquelle nous sommes arrivé. Il nous serait plus doux d’avoir à louer les œuvres dramatiques de notre temps ; mais pour les louer, il faudrait nous résoudre à parler contre notre pensée, et ce mensonge ne servirait personne. La franchise est à la fois plus utile et plus facile.

Si l’on essaie de résumer ce que nous avons dit sur le théâtre contemporain, on verra que les écrivains dramatiques s’adressent à trois classes bien distinctes ; M. Scribe à la finance, M. Delavigne à la bourgeoisie, MM. Dumas, Hugo et de Vigny, à la jeunesse lettrée. Le public du premier n’est pas le public du second, le public du second n’est pas celui des trois derniers. Au fond de toutes les pièces de M. Scribe, on trouve un lingot d’or ; au fond de toutes les pièces de M. Delavigne, on aperçoit clairement une morale constante : le bonheur dans le repos et la médiocrité. Ni M. Scribe, ni M. Delavigne, ne se préoccupent sérieusement des conditions littéraires du théâtre. Ils écrivent uniquement pour vanter en toute occasion la richesse et la médiocrité, et l’auditoire qu’ils ont discipliné ne songe pas à leur demander autre chose. L’art dramatique est donc aujourd’hui entre les mains de MM. Dumas, Hugo et de Vigny ; car nous ne pouvons compter parmi les champions que ceux qui ont fait leurs preuves. Ces trois écrivains personnifient nettement l’ardeur des sens, la splendeur du spectacle, et l’élégie mélodieuse. Il est évident que pas une de ces personnifications ne réalise le type complet de l’art dramatique ; il est évident que si MM. Hugo et de Vigny ont à leur service un style plus pur, plus châtié, M. Dumas, quoique étranger par ses œuvres à toutes les questions de style, est supérieur à MM. Hugo et de Vigny par l’animation brutale, mais réelle de ses personnages. Vers lequel des trois doivent se porter nos espérances ? Il y aurait de la témérité à se prononcer. Mais d’avance nous pouvons assurer que cha-