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préliminaires, se faire une idée juste des travaux actuels des savans dans chaque partie, des grandes découvertes qui ont illustré notre siècle, de celles qu’elles préparent, etc. ; c’est dans l’ouvrage dont je parle, que cet ami des sciences trouverait à satisfaire son noble désir. »

Il est très regrettable que M. Ampère n’ait pas exécuté un pareil projet. Un homme qui, comme lui, s’était occupé avec intérêt de toutes les sciences, et en avait approfondi quelques-unes, était éminemment propre à cette tâche. Exposer les idées fondamentales qui appartiennent à chaque science, déduire les méthodes suivant lesquelles elles procèdent, expliquer les théories qui y sont controversées, indiquer les lacunes que l’examen contemporain y découvre, tout cela forme un ensemble, touchant de très près à tous les problèmes philosophiques auxquels M. Ampère avait si long-temps songé. C’est par un détour revenir à l’investigation de l’esprit humain, c’est contempler l’instrument dans ses œuvres, la cause dans ses effets ; et, à toute époque, une puissante étude ressortira de l’examen comparatif entre les sciences que l’homme crée et les facultés qu’il emploie à cette création ; en ce sens et en bien d’autres, on peut dire que le progrès de la philosophie dépend du progrès du reste des connaissances humaines.

M. Ampère était porté, par la nature même de son esprit, vers l’examen des méthodes et l’étude des classifications. Il a publié divers essais en ce genre sur la chimie, sur la physiologie, et sur la distinction des molécules et des atomes. Possesseur de connaissances spéciales profondes, ses vues élevées sur l’ordre dans les sciences, et sur le lien qui en unit les diverses parties, le rendaient capable de composer, mieux que qui ce soit, le programme d’un cours, et d’en diriger l’esprit. Peut-être était-il moins apte à faire lui-même un cours élémentaire : cependant il a été long-temps professeur d’analyse à l’École polytechnique, et professeur de physique expérimentale au Collége de France.

Ses travaux mathématiques, parmi lesquels on cite ses Considérations sur la théorie mathématique du jeu, lui ouvrirent de bonne heure l’entrée de l’Académie des Sciences. M. Ampère est un remarquable exemple d’une vocation naturelle. Jamais il n’avait pris de leçons ; il avait seul étudié les mathématiques ; à treize ans, il avait découvert des méthodes de calcul très élevées qu’il ne savait