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REVUE DES DEUX MONDES.

Depuis quelque temps, le Journal des Débats a l’humeur maussade et quinteuse ; tout l’inquiète et le révolte ; il ne dogmatise plus, il fulmine ; ses colonnes laissent là les sophismes accoutumés et la puérile gymnastique de l’école pour prendre à tout propos une initiative d’attaque, qui lui convient moins qu’à personne. Les rhéteurs du premier Paris ont jeté du fiel dans leur encre ; il n’y a pas jusqu’au feuilleton, si goguenard, si frivole, si malicieusement inoffensif, qui ne se conforme à la commune pensée, et ne mette son esprit et sa verve au service de la rancune et de la passion. Le Journal des Débats frappe de tous côtés sans crier gare ; ministres du 22 février ou poètes de la jeune école, peu lui importe ; tout ce qui a de la conviction, de l’indépendance, de la vie et de l’avenir en soi, lui fait ombrage et l’épouvante. La chute d’Esmeralda avait déposé en son cœur une bile acrimonieuse et malsaine que le vote de Strasbourg vient de faire jaillir ; chacun en aura son éclaboussure. Quant à nous, malgré la mansuétude dont un de nos collaborateurs a fait preuve à l’égard de cet opéra, mansuétude loyale après tout, puisqu’il s’agissait de l’œuvre d’une femme, mais que nous avons eu le malheur de ne pouvoir étendre sur d’autres qui n’y avaient pas les mêmes droits, nous nous étions tout résignés d’avance ; et si nous élevons la voix aujourd’hui, ce n’est pas pour nous étonner le moins du monde de ces boutades singulières, fort naturelles d’ailleurs dans la position où le Journal des Débats se trouve, mais tout simplement pour en avertir le public, afin qu’il se le tienne pour dit, et sache que penser de ces attaques périodiques dirigées contre les hommes le plus haut placés, des hommes dont le caractère et le mérite ne se discutent plus, et qui n’ont peut-être, aux yeux du Journal des Débats, qu’un tort, celui de n’avoir jamais voulu prendre part à sa rédaction, ce qui n’en est peut-être pas un aux yeux du public.

Ainsi, l’autre semaine, le Journal des Débats s’est pris tout à coup d’un superbe dédain pour ce pauvre cénacle où commençaient, il y a sept ans, dans le silence et l’obscurité, des noms qui, n’en déplaise au Journal des Débats, sont devenus glorieux sans lui, et peut-être même malgré lui. Certes, il y a eu cette fois, comme toujours, bien des rêves trompés, bien des illusions déçues, bien des projets sans résultat ; mais tout cela était loyal et digne, plein de noblesse et d’honneur, et franchement ne semblait pas fait pour amuser les loisirs de l’ancien Journal de l’Empire. Que signifient donc ces attaques intempestives et sans mesure dirigées à tout propos contre M. Alfred de Vigny, et qui se renouvellent et s’acharnent après lui, comme si elles avaient conscience de leur peu de durée ? Que signifie ce ton superbement dédaigneux et protecteur que l’on affecte