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LETTRES POLITIQUES.

par leurs votes favorables, et des ennemis, assez nombreux aussi, quoique en minorité, qui le servent par leurs boules noires, ce qui fait qu’il vaudrait mieux pour lui compter quelques ennemis de plus ou quelques amis de moins. Enfin, tout considéré, c’était là, selon moi, un cabinet compact, fait pour durer et faire son chemin avec ses doctrines, pour peu que les doctrinaires aient des doctrines ; mais encore une fois, monsieur, je le voyais de loin.

Dans cette tribune de la chambre des députés, que je fréquente les jours de pluie, il vient des hommes qui ont été ministres ou qui le seront, ou qui ont mérité de l’être, des gens bien versés dans la partie secrète des affaires publiques, qui donnent là des nouvelles qu’on paierait au poids de l’or dans la tribune voisine, qui est la tribune des journalistes, si on avait de l’or dans la tribune des journalistes. Quant à moi, je m’étonne que des gens qui savent si bien les choses, les disent ainsi pour rien.

J’étais dans cette tribune pendant la discussion de l’affaire Conseil. Je ne voyais pas les ministres, qui tournent le dos au public, comme il est d’usage ; mais il me semblait qu’ils étaient impatiens d’expliquer cette scandaleuse affaire, qui a compromis tout le monde, même MM. les espions, quand mon voisin m’arrêta dans mes observations, et me fit remarquer, au banc ministériel, un certain mouvement d’épaules qu’il connaît depuis des années, dit-il, et qui dénote peu d’envie de parler. J’appris aussitôt ce qui en était, et bientôt ce qui s’en est suivi dans le ministère. Il faut reprendre la chose de plus loin.

Quand le ministère du 22 février s’écroula sous la question de l’intervention, M. Guizot était au château de Broglie, attendant, je ne dirai pas sans impatience, le pouvoir qui lui revient avec une sorte de régularité périodique. M. Molé lui proposa, par quelques intermédiaires bien connus, de s’associer à lui pour former un cabinet dont M. Molé se réservait la présidence. On sait que M. Guizot vint aussitôt à Paris et reprit le poste modeste qu’il avait déjà plusieurs fois occupé. Dès ce moment, M. Guizot et M. le comte Molé se sont trouvés vis-à-vis l’un de l’autre.

M. Guizot, monsieur, est un homme qui a été souvent méconnu. Tout au rebours de M. Molé qui a tant de dégoût pour le pouvoir,