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RAYNOUARD.

de sa part, lui enleva ces fonctions qui plaisaient à son caractère. M. Raynouard vit cette destitution avec un sentiment pénible. La place, au fond, lui importait peu ; mais, blessé de cette injuste mesure, il résolut d’abandonner à jamais la carrière politique, pour consacrer aux lettres ce qui lui restait de jours. Une députation venue de Provence à Paris, exprès pour lui faire accepter le vote des électeurs du Var, ne put l’ébranler dans cette résolution. M. Raynouard, dorénavant, appartenait exclusivement à la science.

Cependant les États de Blois avaient été joués au Théâtre-Français en 1814, après une heureuse reprise des Templiers. Accueillis assez froidement d’abord, ils obtinrent plus de succès les jours suivans ; mais la mort de Mlle Raucourt vint, à la huitième fois, interrompre les représentations. On avait surtout applaudi le dénouement brusque où Bussy s’écrie : Guise est roi ! et où la reine entre en disant : Guise est mort ! L’austérité de cette éloquence politique, le style vif et coupé, mais plein de sens et nourri de choses, avaient fini par amener à bien le public, dès l’abord peu entraîné et assez indifférent. M. Charles Nodier, rendant compte de la pièce nouvelle au Journal des Débats y conclut que cette tragédie est un ouvrage d’un grand mérite, mais qu’elle n’est pas un bon ouvrage. Il ajoute même, avec cette malicieuse bonhomie qu’on lui connaît, que l’auteur serait bon historien, car il n’y a pas tant d’inconvénient à rappeler Corneille dans une histoire qu’à rappeler Mézeray dans une tragédie. La lecture du livre fit modifier à l’ingénieux critique ce premier jugement de feuilleton, et, revenant sur lui-même avec trop d’indulgence peut-être, il regarda, quelques années plus tard[1], comme une remarquable tragédie de caractère, l’œuvre de M. Raynouard, dont le sujet a fourni plus récemment le thème de scènes d’un tout autre genre à M. Vitet.

M. Raynouard disait dans la préface des États de Blois : « Ce n’est pas d’après nos règles de goût et de convention, que nous pouvons juger les tragiques étrangers ; s’ils produisent sur les spectateurs l’effet moral, qui doit être le principal objet de leurs compositions, si ces spectateurs y retrouvent les jouissances, les sentimens et les leçons qu’ils sont accoutumés d’y chercher, est-ce à nous de nous montrer plus sévères ? » Cette phrase indiquait dès 1814 la nécessité, devinée par M. Raynouard, de changer enfin la vieille Melpomène tragique. Il écrivait même bien plus récemment ces lignes remarquables de sa part : « Les personnes qui condamnent trop sévèrement les innovations qui de nos jours caractérisent les efforts des auteurs dramatiques, n’ont peut-être pas considéré la nature du genre

  1. Bibliothèque dramatique, in-8o, 4e livraison, préfaces.