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vérité historique. » Un mouvement de tête, un geste d’impatience me révélant sa pensée, j’ajoutai : — « D’ailleurs, il m’aurait fallu un parterre de rois. » — Il lui échappa un demi-sourire. » On parla ensuite des États de Blois, tragédie composée en avril et mai 1804, et retardée jusque-là par la censure et la police. Bonaparte s’en fit lire quelques scènes. On assure que parmi beaucoup de conseils donnés par l’empereur au poète, il s’en est trouvé d’assez bons pour être adoptés librement par celui-ci. De ce nombre est la suppression du personnage de Henri III. Il fut aussi question d’échafaud, et l’empereur dit à cette occasion : « Les rois se servent de la chose ; le mot, ils ne le prononcent jamais. »

Nous supposons qu’après cette entrevue Napoléon ne fut pas tenté de donner la présidence du corps législatif à M. Raynouard. Déjà, avant cette visite, comme il demandait à Fontanes ce qu’était l’auteur des Templiers, le grand-maître de l’Université répondit : « C’est un Provençal original et surtout indépendant. » Sur quoi l’empereur reprit : « Tant pis, je n’aime pas les gens à qui on ne peut rien donner. » Malgré tout ceci, les États de Blois furent joués pour la première fois à Saint-Cloud, le 22 juin 1810, lors du mariage de Marie-Louise.

Cette pièce que M. Raynouard fit précéder, en la publiant en 1814, d’une dissertation consciencieuse et savante sur le duc de Guise (comme il avait fait pour les Templiers) ; cette pièce, dans la pensée de l’auteur, était destinée à être la réalisation poétique de ce que le président Hénault avait tenté en prose dans son drame de François II. Si l’auteur s’en est tenu à la sévère austérité de l’histoire, c’est qu’il l’a bien voulu, et il ne faut en accuser ni son imagination, ni son esprit. Il lui eût été facile, à coup sûr, de mêler à son plan une intrigue d’amour, et la maîtresse du duc de Guise, la duchesse de Noirmoutiers, était là un sujet tout naturel de combinaison dramatique. Mais le poète voulait se tenir dans les limites de la vérité historique, et il s’y est enfermé, au risque d’éloigner l’émotion et le drame. Les caractères de Bussy et de Mayenne sont mis en relief avec vigueur ; mais il nous semble que l’intérêt a quelque peine à se reporter sur Henri IV, type d’héroïsme et de perfection. Bien qu’on voie sur la tête du jeune prince le panache qui triomphera à Ivry, il semble sur la scène un peu trop privé de cette bouillante ardeur qui aurait dû le caractériser. Plus Guise est hardi et entraînant, plus Henri IV aurait besoin de montrer moins de sentimens résignés et pacifiques. Il n’y a que le théâtre où la paix soit chose fatigante et sans gloire. Cependant, malgré le manque presque absolu d’action, la scène du troisième acte, où Henri provoque le duc de Guise, était dramatique et neuve au théâtre. On en a beaucoup abusé depuis, sans dire où on l’avait copiée.

La pièce fut donc jouée à Saint-Cloud devant Napoléon, et les mur-