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M.  RAYNOUARD,
SA VIE ET SES OUVRAGES.

De 1800 à 1805 il n’y eut pas un seul grand succès dramatique au Théâtre-Français ; le public pourtant n’avait jamais été plus assidu aux représentations, plus épris du brillant ensemble qu’offrait alors cette scène si complète en acteurs, si riche de tout l’ancien répertoire, retrouvé avec bonheur après l’invasion révolutionnaire. Les tragédies de Marie-Joseph Chénier se rattachaient trop à cette époque orageuse, pour ne pas être un peu rejetées en arrière, sans parler même des défenses plus positives que leur opposait un gouvernement ombrageux. Pour trouver un grand triomphe à la scène, un triomphe dû tout entier aux émotions dramatiques, sans préoccupation d’intérêt et de passions étrangères, il fallait remonter à l’Agamemnon de M. Lemercier, à ce drame ressaisi encore une fois d’Eschyle et d’Homère. Mais, le 14 mai 1805, devant ces spectateurs si difficiles et si bien rétablis dans les habitudes classiques, se représenta et retentit avec des bravos inconnus depuis Voltaire la dernière vraie tragédie cornélienne, une tragédie nationale par le sujet, continuant avec sévérité cette inspiration moderne de Tancrède, d’Adélaïde Duguesclin, que De Belloy avait autrefois usurpée, et dont l’auteur nouveau semblait hériter légitimement. Elle avait de plus le mérite de reposer non sur un fait admiré de tous, mais sur une réhabilitation historique, qui n’était peut-être pas néanmoins sans exciter quelque intérêt