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LETTRES SUR L’ISLANDE.

de l’aveugle Hauder, qui se jette en riant sur Balder et le tue. À cette nouvelle, un cri de douleur retentit dans le ciel, et l’univers est consterné. On prépare les funérailles de Balder, on brûle son corps, celui de sa femme bien-aimée, et celui de son cheval de bataille. Toute la nature se revêt de deuil. La Mort elle-même s’attendrit. Hauder va la prier de laisser renaître Balder, et elle répond qu’elle y consentira si tous les êtres morts et vivans le pleurent. Odin convoque alors tout ce qui peuple la nature ; la race humaine gémit sur le dieu qui n’est plus ; les pierres s’émeuvent, les rameaux de chêne s’inclinent tristement à son nom, et la fleur des prairies et l’herbe des montagnes laissent tomber comme autant de larmes les gouttes étincelantes de rosée. Mais une vieille femme s’avance, le front joyeux, l’œil sec, et déclare qu’elle ne pleurera pas. C’était Loki qui avait pris cette forme pour tromper les dieux ; et sa parole cruelle rejette Balder dans l’empire de la mort. Nous verrons plus tard, comment les dieux se vengèrent.

Après ces grandes divinités, il faut compter encore Vidar qui tuera un jour le loup Fenris ; Vali, adroit archer ; Uller, habile à patiner ; et Forsate qui apaise les disputes des hommes et juge les procès.

De même qu’il y avait douze grands dieux, il y avait aussi douze déesses.

La première est Frigga, épouse d’Odin, qui partage avec lui les ames de ceux qui meurent sur le champ de bataille ; puis Freya, déesse de l’amour, qui a donné, comme Vénus chez les Latins, son nom à l’un des jours de la semaine[1]. Elle avait épousé Oddr, qui la quitta pour voyager. Elle le chercha, comme Isis, dans toutes les parties du monde, et le pleura avec des larmes d’or, les larmes de la fidélité. Eyra, la troisième déesse, est l’Esculape des demeures célestes. Géfione est la patrone des vierges. Lorna réconcilie les amans. Vora sait tout ce qui se passe. Snorra protège les savans.

On bâtissait à ces dieux des temples splendides ; on leur offrait, à certaines époques de l’année, des sacrifices sanglans. Il y avait, chaque année, trois grandes fêtes : l’une en automne, l’autre en été, la troisième au milieu de l’hiver ; le peuple y accourait de toutes parts. Dans ces réunions religieuses, les prêtres immolaient des prisonniers de guerre, des hommes condamnés à mort pour quelque crime, des sangliers et des chevaux, surtout des chevaux blancs, qui, de même qu’en Perse, étaient regardés comme des animaux sacrés. Le sang des victimes était recueilli dans des bassins de pierre ou d’airain : un des pontifes le prenait pour arroser les murailles du temple, et asperger la foule ; puis on partageait

  1. On disait dans notre vieux français Divenres : (Dies veneris).

    « Pour ce qu’il ert divenres, en mon cuer m’assenti, etc. »

    (Roman de Berte aus grans piés.)