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manière victorieuse au reproche que lui adressaient quelques courtisans d’avoir quitté le pouvoir avec trop de promptitude. M. Thiers a fait tous les sacrifices compatibles avec l’honneur et l’intelligence d’une politique responsable, mais il n’a pas voulu descendre jusqu’à une hypocrisie cauteleuse, qui ne laissait même pas à la coopération indirecte ses effets naturels.

Il semblait qu’au chef de l’ancien cabinet l’administration du 6 septembre devait opposer un digne adversaire ; mais sa prudence l’a empêché d’accepter sur-le-champ le combat : elle a lancé à la tribune un procureur du roi, qui s’est mis à interpréter le texte de la quadruple alliance en véritable clerc d’avoué ; M. Hébert a parlé de contrat entre simples particuliers, de nullités, de cul-de-sac ; on lui a conseillé de dire impasse, et la chambre, après de fréquens accès de gaieté, l’a fort applaudi quand il a déclaré qu’au reste il ne se sentait pas appelé à traiter les hautes questions politiques.

Depuis long-temps ministère n’avait subi en deux séances tant d’humiliations et de mécomptes. Mais aujourd’hui son principal organe l’engage à ne pas s’en troubler et à rester au pouvoir, quelque dure que soit la vie qu’on lui prépare. Si M. Dupin l’a vivement attaqué, c’est de la part du président de la chambre un accès d’humeur qu’il ne faut pas prendre au sérieux ; si M. Barrot lui a arraché un paragraphe qui fera froncer le sourcil à M. de Pahlen, on s’efforcera d’atténuer cette défaite en ne s’en plaignant pas ; si M. Thiers l’a convaincu d’être infidèle à l’esprit et à la lettre de la quadruple alliance, il hésitera dans sa réponse, et pour se ménager le temps de l’élaborer, il opposera à un homme politique de premier ordre, un légiste subalterne, obligé de bégayer des excuses sur son incompétence. Qu’a donc fait M. Guizot de sa fierté ? S’il est difficile de croire au génie et à la durée du ministère, on peut croire à sa résignation. C’est le parfait chrétien.


F. Buloz.