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je n’avais pas vues : nous passions aussi dans des corridors étroits et tortueux, montant et descendant alternativement plusieurs marches. Perdu quelque temps dans ce labyrinthe, j’arrivai dans une grande salle élevée dont les fenêtres donnaient sur un balcon qu’occupait le radjah lorsqu’il voulait se montrer au peuple assemblé sur la grande place publique du palais. Dans un coin du salon était un jeune Hindou accoudé, ainsi que son précepteur, sur une table ronde au milieu de livres et de paperasses ; c’était le fils et l’héritier présomptif du souverain. Je le saluai, et après m’être approché de la table pour regarder ses cahiers chargés de caractères orientaux, j’assistai pendant quelques instans à la leçon ; puis on m’emmena, et, après avoir franchi de nouveaux labyrinthes, j’arrivai au rez-de-chaussée dans un joli vestibule ouvert sur les jardins.

Le radjah, entrant par une autre porte, se présenta au même moment ; il donnait la main à une petite fille de deux à trois ans. La pauvre enfant, habillée en reine et la figure couverte de peintures, avait une petite mine fort singulière, et paraissait charmer son père par sa gentillesse. Nous passâmes dans les jardins où de nouveaux divertissemens nous étaient réservés. Dans le premier, ce fut d’abord un jet d’eau factice que l’on fit partir au centre d’une corbeille de fleurs de façon européenne ; puis une volière d’où on lâcha plusieurs pigeons dressés à s’élever perpendiculairement à une grande hauteur, et à retomber de la même manière en faisant un certain nombre de culbutes dans l’air. Ces culbutes, assurément fort bizarres, paraissaient un des amusemens favoris du radjah.

Nous visitâmes le second jardin, au fond duquel, adossée à la muraille d’enceinte et garnie d’une échelle pour monter à la partie supérieure, se trouvait une rampe d’un stuc extraordinairement poli. Avant que je n’eusse eu le temps d’en deviner l’usage, le ministre, le jeune prince qui venait de terminer sa leçon, et le précepteur, descendirent à tour de rôle et d’une façon bien connue de nos écoliers, cette montagne russe simplifiée. Le radjah paraissait au comble de la joie. De là il me mena à l’entrée d’une cour de service, et, après m’avoir parlé d’un oiseau monstrueux et très méchant dont on lui avait fait présent, il donna l’ordre de lui ouvrir sa loge : c’était une autruche assez belle. Il la fit battre devant nous avec son gardien.

Nous restâmes un quart d’heure spectateurs de la scène ; ils s’excitaient autour d’un arbre, s’attaquaient réciproquement, et cherchaient de temps en temps à se dérober par la fuite. Involontairement je me rappelai Potier dans les Petites Danaïdes, et je ne pus me défendre d’un éclat de rire. Durant le combat qui tenait les esprits en suspens, nous étions les uns derrière les autres du côté du jardin, et près de la porte entr’ouverte de la cour qui servait de champ clos. Le prince, placé sur le