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LE MYSORE.

À peine fut-elle ouverte, que le manque de vivres, qui commençait à se faire sentir dans le camp anglais, fit résoudre soudain l’attaque. Une reconnaissance exécutée de nuit pour sonder les gués, avait mis à découvert le côté faible de la ville. La rivière avait été trouvée extrêmement basse ; et la muraille, battue en brèche, facile à escalader. L’assaut eut lieu le 4 mai, en plein midi. Trois jours plus tard, une très forte inondation du Cavéri, qui déborda inopinément, eût séparé les assaillans des assiégés, et retardé, peut-être pour long-temps, l’issue des opérations de la guerre.

Tippoo, fatigué d’avoir dirigé le feu en personne pendant toute la matinée sur les réduits où les Anglais étaient logés, reposait dans ses appartemens, lorsqu’on vint l’avertir que l’ennemi avait profité de la plus grande chaleur du jour pour surprendre et enlever la brèche en peu de minutes, et que déjà il s’élançait dans la place. Après un premier moment d’incrédulité, il sortit précipitamment pour reconnaître lui-même l’état désespéré de ses affaires, et fut bientôt tué, comme il cherchait à regagner son palais. On eut beaucoup de peine à découvrir son cadavre ; le général Baird, qui commandait l’assaut, avait pris de vaines informations auprès des fils du sultan, qui ignoraient ce que leur père avait pu devenir, et s’il avait réussi à s’échapper. Enfin, la rumeur publique apprit qu’on l’avait vu blessé, mourant et se traînant avec peine sur un pont déjà encombré par les fuyards : la foule se pressait au passage d’une porte située à l’extrémité du pont, et c’est là qu’une décharge de mousqueterie des assaillans qui arrivaient, avait dû l’achever dans cette mêlée générale. La nuit approchait, des torches furent allumées pour éclairer la fin de cette journée de carnage ; et après mille recherches, parmi tous ces corps déjà dépouillés et nageant dans le sang, celui de Tippoo fut difficilement reconnu, et transporté le lendemain en grande pompe au mausolée de son père. Ainsi finit avec un prince vaillant un grand empire auquel quarante ans d’existence avaient suffi pour atteindre le plus haut degré de gloire et de prospérité, et pour entraîner bientôt dans sa chute tous les autres trônes de la vaste presqu’île. C’est dans Séringapatam, emporté d’assaut, que fut poussé le premier cri d’agonie de l’indépendance indienne !

Peu de mois après avoir quitté cette ville, traversant l’Égypte, et encore préoccupé du souvenir des deux noms célèbres du Mysore, je les associais dans mes impressions à ceux des souverains qui trônent aujourd’hui dans la citadelle du Caire. Hyder et Mehemet, Tippoo et Ibrahim, quelle analogie de caractère et d’origine ! et comment ne pas indiquer un parallèle dont l’avenir seul peut dérouler, aux yeux de l’histoire contemporaine, toute la portée !