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Parmi les lieux qui m’ont servi de halte, je distinguerai la ville de Colar, grande, peuplée, et offrant les ressources d’un bazar bien approvisionné. À l’extrémité de l’étang, sur les bords duquel elle est bâtie, s’élève l’enceinte assez imposante d’un vieux fort, uniquement construit en terre sèche, et pouvant renfermer une garnison de deux ou trois mille hommes. Quoiqu’abandonné, il n’a subi aucune dégradation du temps. En dehors de la ville, j’allai visiter les tombes de la famille de Hyder-Aly. Une mosquée assez petite, très simple, mais entourée de fleurs et d’arbustes, leur sert de dernier asile. Tout près est un jardin d’orangers et un bassin d’eau limpide pour les ablutions, où l’on descend par des gradins en amphithéâtre. Cet ensemble inspire le respect et met dans tout leur jour les sentimens religieux d’un peuple naturellement paresseux, et par là même étranger aux jouissances du luxe, mais qui réserve pour ses morts toutes les beautés d’une nature riante. J’entrai dans le caveau royal, et j’aperçus une quinzaine de pierres sépulcrales sans ornemens et telles qu’on en peut voir dans tous les cimetières musulmans de l’Inde. Elles étaient de différentes grandeurs, mais de peu d’intérêt, appartenant à des enfans morts en bas âge, à des parens, à plusieurs des femmes de Hyder. Lui-même y fut quelque temps déposé, après y avoir été apporté de Laulpett, et jusqu’à ce que le mausolée que lui érigea son fils à Seringapatam, fut prêt à le recevoir.

Hyder-Aly a été certainement le plus grand homme des derniers siècles de l’Inde. Pour apprécier l’étendue de son génie, un court exposé doit suffire. Sa naissance est encore un mystère. Parmi les versions différentes auxquelles elle a donné lieu, les unes le font fils d’un tisserand, d’un gardeur de troupeaux dans le Travancoor ; selon d’autres, sa famille descendait, au contraire, du Pundjâb, et son grand-père, après avoir mené la vie d’un fakir errant, avait fini par se fixer dans le Mysore. Le trône qu’il réussit à usurper n’était pas moins obscur, et l’on peut dire qu’il se créa un peuple à sa taille. Inconnu des puissances voisines, gouverné par de faibles radjahs hindous, avili sous le joug de ses anciennes coutumes, le Mysore joua pour la première fois un rôle en 1752. Au siége de Trichinopoly, dans les sanglans débats de la succession du Carnatic, il est fait mention de l’armée auxiliaire des Mysoréens ; c’est aussi alors qu’Hyder, parti comme simple soldat, commença à conquérir ses grades. Il grandit rapidement, et bientôt avec lui parut sur la scène politique un empire tout nouveau qui devait peser dans la balance parmi les pouvoirs prépondérans de l’Inde.

Déjà en 1761, à la suite de la première reddition de Pondichéry et des résultats déplorables de l’administration de Lally, quelques Français, obligés de se faire aventuriers, s’étant enfoncés dans le Mysore, y †rou-