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LE MYSORE.

nombreuses. Il n’existe aucune forêt à laquelle de pareils arbres aient pu appartenir ; la date de ces pétrifications doit donc être très reculée.

Ma première station de quelque importance fut au fort de Vellore : ce fort est du petit nombre de ceux que la politique de la Compagnie entretient en état de défense ; il est la clé des vastes pays qu’elle a conquis au-dessus des Ghates, et il a toujours été occupé militairement. C’est à Vellore que furent d’abord renfermés les jeunes fils de Tippoo ; une révolte générale des régimens cipayes, en leur faveur, était sur le point de réussir, lorsqu’elle fut réprimée par la présence d’esprit et l’audace d’un colonel, qui enleva brusquement les princes, et parvint à les soustraire aux mains qui cherchaient à les délivrer. Conduits rapidement à Madras, ils furent ensuite dirigés sur Calcutta. L’un d’eux a fait, à ce que j’ai ouï dire, un séjour en Angleterre, et est devenu une espèce de fashionable. L’édifice qui leur servait de prison dans le fort est encore habité aujourd’hui par une veuve de Tippoo, très âgée, et si sédentaire, qu’elle ne franchit jamais le seuil de son palais.

L’arsenal actuel occupe l’enceinte d’une ancienne pagode vénérée, qui attire les regards par ses sculptures, d’un travail si achevé, qu’on eut l’idée de les envoyer au roi d’Angleterre ; mais les dépenses qu’aurait occasionées le transport arrêtèrent l’exécution de ce projet. Les portes du fort sont prodigieusement massives et garnies d’énormes clous pointus, afin d’empêcher les éléphans de les battre en brèche.

Dans son ensemble, la citadelle m’a paru d’une très bonne défense pour le pays : elle a ses escarpes et contrescarpes solidement construites en belles pierres dures. Ses murailles, noires et crénelées, présentent des bouches à feu de gros calibre, et sont séparées du glacis par de larges fossés remplis d’eau, et où nagent de grands caïmans. Ces monstres pourraient en être, au besoin, les gardiens aquatiques. Ils sont fort redoutés des Indiens, qui ne manquent point de vous signaler leur présence.

En sortant de Vellore et en se dirigeant vers l’ouest, on entre presque aussitôt dans les gorges des montagnes. Après avoir côtoyé le Palaur, large rivière sujette à de terribles débordemens, et qui a souvent figuré comme ligne militaire dans les vieilles guerres du Carnatic, j’arrivai au village de Laulpett, au pied des Ghates et du col de Pedoonaig-Droog. Ce village, peu éloigné de la ville de Sautgur, situé dans un joli pays, possède une mosquée charmante, et se recommande, s’il faut en croire les habitans, par un puissant souvenir historique, la mort de Hyder-Aly. Forcé, après une guerre acharnée contre les Anglais, de se replier sur les montagnes, il y aurait succombé, en quelques jours, d’un mal déjà ancien que le chagrin et le découragement avaient contribué à aggraver. Une maladie dartreuse, lèpre ou gale, fut, selon eux, la cause d’un